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dangers et on ouvrit, avec le cabinet de Berlin, de nouvelles négociations qui aboutirent à la conclusion du traité de Gastein, le 4 août 1865. Cet acte ne modifia pas sensiblement la situation respective des deux puissances ; il se bornait à stipuler que l’Autriche occuperait exclusivement le Holstein et la Prusse le Slesvig. L’indivision dans la souveraineté était maintenue. Le roi Guillaume et M. de Bismarck tenaient la cour de Vienne à leur merci. Il ne s’agissait plus que de savoir attendre ou plutôt de faire surgir, dans un moment opportun, des circonstances plus propices à l’accomplissement de leurs desseins.

Dans cette pensée, et afin d’être prêt à l’heure suprême, le roi hâtait le développement de ses forces militaires, sans tenir compte des prétentions, si bruyantes et si obstinées qu’elles fussent, qui s’élevaient au sein de la chambre des députés. M. de Bismarck le secondait de tous ses efforts ; il n’hésita pas à se constituer le ferme défenseur des prérogatives revendiquées par le souverain. Assailli par l’assemblée entière, il soutint le choc, le provoquant souvent, sans jamais faiblir. On eut recours à la dissolution, et le pays, plusieurs fois consulté, maintint sa confiance à ses représentans. Ce conflit dura près de quatre ans, jusqu’à la guerre de 1866. Durant cette longue période, aucun budget n’obtint la sanction de l’Assemblée. Quelque étrange qu’elle fût, cette situation n’embarrassait nullement le président du conseil ; il s’en accommodait fort bien. Interprétant à sa guise, malgré les plus vives protestations, l’une des clauses de la constitution, il se disait fondé à appliquer, faute d’un budget nouveau, la dernière loi de finances rendue avant son entrée au ministère. Il assurait ainsi comme il y était tenu, prétendait-il, le fonctionnement de tous les services, en parfaite conformité avec les dispositions législatives. Les recettes de chaque exercice dépassant le montant des dépenses, il en consacrait l’excédent aux nouvelles charges militaires décrétées par le souverain. La volonté du roi était satisfaite ; le but qu’il poursuivait était atteint, et le ministre grandissait dans sa confiance.

Mais l’opinion libérale, en possession d’une immense majorité dans la chambre, protestait contre les expédiens pratiqués par le président du conseil. Unis aux progressistes, les libéraux nationaux, les Schwerin, Benningsen, Sybel, Virchow, Richter, tous les chefs de ces deux grands partis les signalaient à l’indignation publique, dans leurs discours et dans la presse, comme une violation permanente du pacte constitutionnel, revendiquant le droit de l’assemblée élective de contrôler l’emploi des revenus, contestant la légalité de toute affectation qu’elle n’avait pas autorisée. Efforts superflus : M. de Bismarck ne faisait aucune concession ; la lutte continuait en prenant chaque jour un caractère plus aigu. Le