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assemblée composée uniquement d’ailleurs de fonctionnaires révocables, délégués par les états confédérés. Ainsi le chancelier détient seul, entre ses mains, les rênes du gouvernement fédéral, et il participe simultanément aux travaux législatifs, non pas comme simple membre de l’une des deux chambres, mais en qualité de président de celle qui, par sa composition, relève de sa direction toute-puissante.

Ces courtes indications suffisent à faire entendre dans quel esprit ont été conçues et libellées les institutions fédérales, pour quel but elles ont été imposées. Le roi restait le maître indépendant de ses résolutions, plus puissant et mieux armé pour les éventualités futures. N’ayant concédé au parlement aucun droit de surveiller ou de circonscrire son action, il était en mesure de tout disposer, en pleine liberté, pour la nouvelle guerre qu’il méditait. Il y consacra tous ses soins, se dévouant plus particulièrement à l’armée, s’en remettant à la féconde imagination de son ministre et à sa dextérité pour choisir et nouer les expédions destinés à provoquer le conflit. Mais sa détermination était bien arrêtée de ne pas s’y engager prématurément, et l’on vit reparaître, entre le souverain d’une part, les généraux[1] et M. de Bismarck de l’autre, les mêmes dissentimens qui avaient marqué la préparation de la guerre contre l’Autriche. Cette fois encore, on signalait vainement au roi les mesures militaires que prenait le gouvernement impérial, l’activité déployée par le maréchal Niel ; vainement on lui faisait remarquer que le temps courait au bénéfice de la France, au préjudice de la Prusse, et qu’on pouvait, à ce moment, surprendre l’armée française pendant que se reformaient ses cadres, pendant que se reconstituait son matériel. Dès les premiers mois de 1809, M. de Bismarck, mit en avant la candidature du prince Léopold de Hohenzollern à la couronne d’Espagne. Le roi jugea cette combinaison inopportune alors ; il refusa son assentiment[2]. Il considérait, d’une part, que ses troupes de nouvelle

  1. Une étude qui vient de paraître à Cassel, attribuée à un officier supérieur, et dont le Berliner Tagblatt a donné de longs extraits, révèle tous les efforts tentes par le parti militaire pour décider le roi à entreprendre la guerre dès ce moment. Suivant l’auteur, le général de Waldersee s’y employa tout particulièrement.
  2. L’ambassadeur de France à Berlin eut connaissance de ce projet. Il en instruisit son gouvernement par une dépêche datée du 27 mars 1869. Il reçut l’ordre de provoquer des explications. M. de Bismarck ne contesta pas l’exactitude de ses informations, mettant tout au compte de l’Espagne. Il déclara toutefois qu’il n’entrait pas dans l’intention du roi d’autoriser son neveu à accepter l’ouverture qui lui était faite. Le président du conseil était sincère. Le roi, à ce moment, ne trouvait pas le stratagème bien choisi et suffisamment justifié par les circonstances.