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LES
SOCIETES ANIMALES

LES INVASIONS DES FOURMIS. - LE POTENTIEL MORAL.

Dans l’étude des sociétés animales, celle des sociétés de fourmis est peut-être la plus suggestive, en raison de l’intelligence surprenante de ces petits insectes. Leur comparaison avec les sociétés humaines est d’autant plus intéressante que les sociétés de fourmis ne fonctionnent pas suivant des règles uniformes, semblables à celles de la mécanique des corps inertes, où toute individualité s’efface, à la fois dans l’accomplissement final du but général et dans le détail même de l’exécution de chacun des actes particuliers qui y concourent. Nous ne rencontrons pas ici cette uniformité géométrique banale, et dominée surtout par les conditions du milieu ambiant, qui préside à la construction des polypiers et même à celle des gâteaux d’abeilles. Au contraire, l’observateur est frappé tout d’abord par l’intelligence individuelle de chaque fourmi et par l’initiative personnelle qu’elle manifeste, en poursuivant la réalisation du but collectif proposé à son activité.

L’étude des sociétés de fourmis mérite d’autant plus l’attention du philosophe qu’elles n’ont jamais été l’objet d’aucune tentative d’utilisation de la part de la race humaine ; elles n’ont dès lors jamais subi ces influences modificatrices par hérédité, auxquelles les abeilles sont soumises depuis tant de siècles, depuis qu’il existe des apiculteurs empressés à récolter le miel. Les fourmis, au