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nos ancêtres l’ont laissé à Écouen et à Anet, et s’il regarde du côté des Italiens, c’est chez ceux qui nous ont toujours été au cœur par la netteté et la tendresse de leur génie, chez des Florentins, Brunellesco et Andréa del Sarto. Dans les charmantes grisailles où M. Galland met au travail, sur leurs chantiers ou dans leurs ateliers, des tailleurs de pierre, des sculpteurs, des ferronniers, des peintres et autres corps de métier, réapparaissent de doux vieillards et de sveltes garçons dont la famille habite, depuis plus de trois siècles, sous les arcades des Scalzi. Ce dilettantisme élégant, d’une distinction précieuse et rare, ne va pas sans doute sans quelque froideur ; le goût de l’artiste est sûr, mais d’une prudence et d’une sobriété qui, en lui évitant les éclats téméraires, le privent aussi des énergies frappantes. Au milieu d’une architecture plus puissante, tant soit peu riche, compliquée, pompeuse, sa manière habituelle pourrait sembler trop modeste et réservée. Ce n’est pas qu’il ne sache, à l’occasion, hausser le ton, comme il l’a fait pour le médaillon d’Henri IV de la galerie d’Apollon ; mais on n’a qu’à regarder les belles tapisseries du XVIIe siècle, suspendues bien à propos dans la même salle, puis voir combien ce ton reste encore au-dessous de la note éclatante et magnifique, si admirablement tenue par tous les décorateurs de cette époque, depuis Rubens jusqu’à Le Brun, Coypel, Audran. En tout cas, si M. Galland nous semble s’arrêter sur la route d’un peu bonne heure, trop près encore du départ, il marche dans la vraie route ; on peut l’y accompagner sans crainte, sauf à s’élancer plus avant. La distribution bien équilibrée des parties, le remplissage nettement expressif de ces parties, l’harmonie soutenue des colorations et la correction assouplie des figures seront toujours les qualités fondamentales qu’on exigera d’un décorateur ; M. Galland possède toutes ces qualités. C’est un maître excellent : on aurait mauvaise grâce à lui reprocher d’être trop sage.

L’exemple de M. Puvis de Chavannes sera-t-il aussi utile ? Non, nous n’hésitons pas à le dire. La personnalité de ce grand artiste, autrement hardi par l’initiative, autrement puissant par l’imagination, est à la fois trop particulière, trop haute, trop incomplète pour qu’elle puisse servir de point de départ. L’histoire de l’art n’offre point d’exemple qu’une école de peinture ou de sculpture se développe autrement que par une étude passionnée ou réfléchie de la nature et par une recherche progressive de la précision dans le rendu des formes et dans l’expression du caractère. Il arrive souvent, il est vrai, qu’une génération, tout d’un coup grandie par cette étude et cette recherche, s’en lasse assez vite et la néglige, ayant suffisamment, pour un temps, réalisé l’idéal désiré