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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juin.

Cependant, les jours passent, le monde marche et même quand il semble se reposer ou se recueillir, il ne s’arrête pas. Depuis quelque temps, bien des questions de toute sorte ont agité les esprits, soulevé des contestations passionnées et mis parfois peut-être en péril la paix publique. Elles touchaient à tout, à l’intégrité des institutions, à la dignité des hommes, aux garanties sociales, à l’ordre civil et moral, à l’honneur et à l’avenir du pays. Pour un instant, elles avaient créé une atmosphère enflammée, une sorte d’état de confusion et de guerre où l’on finissait par ne plus se reconnaître et d’où on semblait ne plus pouvoir sortir que par quelque éclat meurtrier. C’est, en vérité, l’histoire d’une année qui est déjà loin ! Puis toutes ces questions se sont pour ainsi dire apaisées un peu d’elles-mêmes, un peu parce qu’on les a aidées à s’apaiser. Si on ne désarme pas tout à fait aujourd’hui, on en aurait peut-être bonne envie, et ceux qui rêvent encore la guerre en sont visiblement pour leurs excitations. On est entré dans une ère nouvelle où l’on semble se détourner de tout ce qui animait et passionnait le plus il y a un an pour en revenir au calme réparateur d’une vie plus régulière et plus saine. Ce n’est pas encore la paix définitive, nous en convenons ; c’est du moins l’apparence ou le commencement de la paix, — d’une paix qui pourrait être plus sérieuse et se prolonger, pour peu qu’on voulût se prêter aux transactions nécessaires. Les partis sentent que, dans l’état du pays, c’est leur seule ressource ; le gouvernement ne demanderait peut-être pas mieux que d’être modéré s’il l’osait. L’unique difficulté est de savoir se décider, d’oser avoir une politique et d’en accepter les conditions, sans mêler, comme on le fait encore parfois, la paix et la guerre, l’ordre et le désordre, l’équité et les concessions à l’esprit de violence.