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ainsi : « Attendu que je suis roi et prêtre. » Les premiers successeurs du grand Constantin, pour assister aux offices, franchissaient les portes de l’iconostase, pénétraient dans le saint des saints et trônaient parmi le clergé. Saint Ambroise fut le premier qui, à Milan, enjoignit à Théodose de repasser les portes sacrées et de se tenir parmi les laïques. Le prince se soumit, alléguant qu’il n’avait pas prétendu empiéter sur les droits des clercs, mais que tel était l’usage à Byzance. Et en effet, revenu dans sa capitale, comme il s’asseyait à l’église parmi les laïques, le patriarche Nectaire l’invita à reprendre sa place dans le sanctuaire, à ecclésastiser (ἐϰϰλησιάζειν) parmi les clercs. La différence entre l’esprit de l’église latine et celui de l’église grecque s’accuse ici bien nettement. Les successeurs de Théodose n’eurent affaire qu’à l’église grecque ; ils ne conservèrent cependant pas sans contestations leur place de l’autre côté de la cloison aux icônes d’or. Justinien Rhinotmète fit décider ceci par le concile in Trullo : « Il n’est permis à aucun laïque de pénétrer dans le sanctuaire ; cette défense ne concerne pas l’empereur, quand il veut offrir ses présens à Dieu, suivant l’usage. » L’usage nous apparaît solidement établi au eX siècle, dans les Cérémonies de Constantin Porphyrogénète. L’important pour l’empereur était de ne pas rester un simple fidèle : pour obtenir cette distinction, il se soumit à faire de riches offrandes chaque fois qu’il pénétrait dans le sanctuaire ; pour la justifier il accepta les titres et les fonctions les plus humbles de la hiérarchie ecclésiastique. Il n’ambitionne plus d’être évêque comme Constantin, pas même d’être prêtre ; il se contente d’être lecteur, diacre ou sous-diacre. C’est à ce titre que les secondes noces lui sont interdites ; mais il jouit de prérogatives que n’ont point les laïques. Il touche à la nappe de l’autel et peut y poser les lèvres, non pas au milieu comme le prêtre, mais au bord comme les clercs d’ordre inférieur. Il prend lui-même le pain consacré et communie avec les prêtres. Lecteur, diacre, sous-diacre, il lit l’Épître à l’Ambôn, porte l’évangile dans ses mains, reçoit du patriarche l’encensoir et en encense la sainte table. Il allume les cierges, change la nappe de l’autel, époussette celui-ci avec un éventail en plumes de paon. On sait que nos rois de France avaient le privilège de communier sous les deux espèces et de prendre part à certaines cérémonies du rituel : nos Capétiens étaient chanoines de Saint-Denis et abbés de Saint-Martin de Tours. Pour les empereurs byzantins, l’acceptation de titres inférieurs de la hiérarchie ecclésiastique constituait une déchéance ; sans parler des ambitions de Constantin, ils ne pouvaient oublier que le titre de souverain pontife avait été celui des empereurs païens, dont ils se considéraient comme les successeurs.