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opéré dans les Pays-Bas, et comme il venait de faire en Zélande, son dessein devait être de s’emparer successivement de toutes les places fortes qui dominaient la contrée. Il y en avait deux, également pourvues d’un système de fortifications respectable et qui, situées à deux extrémités opposées du territoire proprement dit de la république, étaient comme les clés qui en ouvraient et fermaient l’entrée : Berg-op-Zoom et Maestricht. Laquelle devait être l’objet de la première attaque? Cumberland, dans la position qu’il avait prise, se trouvait à peu près à égale distance de l’une et de l’autre et tenait à rester en mesure de les secourir au premier signal : il n’osait bouger, craignant de se découvrir à droite s’il se portait à gauche et réciproquement. L’incertitude le tenait dans l’inaction.

De plus, pour prendre l’initiative de marcher à l’ennemi, il eût fallu être certain d’être suivi sans résistance par tous ceux qui devaient obéir; or cette docilité absolue n’était le fait ni du prince de Waldeck, qui commandait encore les Hollandais, ni du général Batthyanyi, qui remplaçait le prince de Lorraine à la tête des Autrichiens. L’un et l’autre, assez blessés de la position secondaire qui leur était faite, se montraient toujours disposés à attendre quand leur supérieur proposait d’agir, ou à se porter en avant quand il inclinait à rester en place. À ces difficultés naturelles de tout commandement partagé, venaient s’ajouter des complications imprévues produites par le changement politique qui était survenu en Hollande. L’élu du peuple, bien que très novice en fait d’opérations militaires, se montrait désireux d’y prendre part et croyant de son devoir de veiller à la défense nationale, envoyait de La Haye des demandes incommodes et élevait des exigences qui ressemblaient à des ordres. Orange et Cumberland étaient beaux-frères, l’un fils et l’autre gendre du roi d’Angleterre, mais il fut bientôt évident que cette parenté si proche semblait faire naître entre eux plus de rivalité que d’affection. On eût dit que chacun des deux regrettait de ne pas joindre à son propre rôle celui qui était échu à l’autre. Le prince-magistrat trouvait dur de ne pas être chargé de défendre lui-même l’indépendance de l’État qui lui était confié, et le prince-général, qui avait peut-être rêvé un instant que le choix populaire se porterait sur lui, aurait voulu tenir en main les pouvoirs civils aussi bien que militaires. De là, dans l’opération à laquelle ils devaient s’employer en commun, des contrariétés et par suite des lenteurs inévitables : — « Nos deux héros, écrivait le ministre anglais Pelham, s’accordent assez mal ensemble; le nôtre (Cumberland) est ouvert, franc, résolu, peut-être un peu vif. L’autre est prétentieux, pédant, raisonneur et tenace. L’un qui voit le danger à sa porte demande qu’on l’assiste