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l’air chaud dans les parties supérieures. Lorsqu’elle a parcouru toute la série des rigoles du plan incliné, la solution de chlorure de calcium encore très froide est recueillie, puis ramenée dans les alvéoles qui forment les deux étages supérieurs de la caisse de bois; à sa sortie du dernier serpentin, elle est renvoyée dans le bain au contact de l’ammoniaque, où elle retombe à sa température initiale, prête à continuer son circuit.

Comme on le voit, c’est toujours la même solution de chlorure de calcium qui circule dans les conduits, de même que c’est toujours le même gaz qui sert à la refroidir; théoriquement, la seule dépense qui traduise le fonctionnement de l’appareil, c’est le charbon, et, résultat presque paradoxal, le froid produit est en raison directe de la consommation de combustible. Pratiquement, il faut ajouter la dépense du moteur à gaz qui fait manœuvrer les pompes et le prix de l’eau que la machine consomme en quantité considérable. On arrive ainsi, tous comptes faits, à une dépense d’une quinzaine de mille francs par an.

En hiver, la machine est mise en train au petit jour et arrêtée à la nuit tombante ; en été, elle marche en permanence. Le mécanicien la pousse plus ou moins selon les nécessités du moment; il a d’ailleurs à sa disposition une série de robinets qui commandent le tuyautage et au moyen desquels il peut agir séparément sur tel ou tel compartiment des chambres. S’il se présente en même temps plusieurs cadavres à congeler, il donne ce qu’on appelle dans le langage pittoresque de la Morgue un « coup dans les caisses. » Si, au contraire, la salle d’exposition se trouve encombrée ou que la température tende à s’y élever, on détourne sur elle la plus grande partie du liquide glacial, on donne, en un mot, le « coup dans la salle. » Enfin, en été, lorsque la Morgue renferme une soixantaine de corps et qu’au moindre signe d’orage un vent de révolte s’élève parmi les cadavres entassés, la machine est mise à grande marche sur toute la ligne. Si le mécanicien se laisse surprendre, il est rapidement débordé, et ce n’est pas toujours facile de rattraper l’avance prise par les germes putrides.

Réglementairement, on doit avoir 16 à 17 degrés au-dessous de zéro dans les alvéoles à congélation, 4 à 10 degrés dans les alvéoles supérieures, et 3 dans la salle d’exposition. Dans des essais à outrance, on peut arriver à maintenir le thermomètre à 6 degrés au-dessous de zéro dans cette dernière ; mais il faut mettre la machine à une allure qu’elle ne supporterait pas longtemps.

Toutes les précautions ont, d’ailleurs, été prises pour faciliter la tâche de l’appareil : les parois des chambres ont été rendues aussi peu conductrices que possible. La grande salle est fermée en avant