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maladroit qu’il semble disposer de son peu d’intelligence pour tout rendre plus difficile.

Du Kansi-Daria au Lob-Nor, le paysage est toujours à peu près le même. Imaginez une immense étendue de sable, tantôt entièrement nue, tantôt couverte d’arbustes rabougris ; de saxaouls ou de tamaris ; le vent a emporté le sable autour de l’arbrisseau, de sorte qu’il semble dresser ses tiges au sommet d’un petit cône que retiennent les racines. Le sable est en général craquant, salé légèrement, emprisonnant çà et là de petits étangs d’eau saumâtre à moitié desséchés ; jusque sur le sommet des monticules, je remarque des coquilles d’eau douce indiquant l’existence d’un ancien lac, d’une sorte de mer intérieure qui couvrait jadis le pays et dont le Lob-Nor ne serait que le reste. Ailleurs, de grands espaces sont couverts du roseau des sables (canna arenaria) ; plus loin, on retrouve des bois de ces mêmes peupliers dont j’ai parlé, mais ici ils sont desséchés, sans feuilles, souvent morts et détachent sur l’azur leur silhouette fantastique. Sur les bords mêmes du Tarim, le fleuve, ayant rompu les petites digues élevées par les habitans, vient former dans ces sables d’immenses marais d’où émergent des bouquets de tamaris. Tel est le pays dans lequel nous avançons pendant deux semaines : en somme, beaucoup de sable et peu de végétation. A part une matinée où il tombe de la neige, nous avons le temps le plus beau qu’il soit possible de rêver : ciel clair et pas de vent ; la nuit de — 8 degrés à — 12 degrés comme minimum, et le jour + 33 degrés comme maximum au soleil.

La population nous reçoit très bien. Ce sont des gens assez pauvres, vêtus d’une simple limousine souvent en loques. Leur chaussure est formée d’un morceau de peau de mouton et d’une bande de grosse toile serrant le mollet. Ils portent un bonnet en peau de mouton. Leur race n’est pas bien marquée ; ils sont la plupart d’origine turque, mais il y a eu des croisemens avec les Mogols. Leur religion est l’Islam. Les femmes travaillent plus que les hommes : quelques-unes ont pourtant conservé un type sauvage assez beau.

Nous n’avons d’ailleurs que peu d’occasions de les apercevoir, elles s’enfuient à notre vue, abandonnant même leur charge lorsqu’elles en. ont une.

Ces populations cultivent le blé, mais en quantité insuffisante. Leur charrue, composée de deux pièces de bois emmanchées à angle droit, est assez primitive. Elles ont des troupeaux qu’elles nourrissent de jeunes pousses de roseaux. Le fourrage est séché sur une claie que portent quatre piquets.

Elles mènent d’ailleurs une vie quasi nomade ayant un village