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de toute la tête, ce petit livre intitulé : Philosophia cartesiana, sive admiranda methodus novœ philosophiœ Renati Descartes, est la pièce importante du débat. Il faut le rapprocher, pour le peser aux mêmes balances, de la lettre de Descartes à Voet, qui parut à Amsterdam en 1643. « Cette lettre, dit Victor Cousin, en la reproduisant dans le tome XI des œuvres de Descartes, est une réfutation de deux libelles, l’un de Voet lui-même et l’autre de l’un de ses écoliers auquel Descartes ne daigna pas répondre, mais qu’il fit assigner et condamner par-devant un tribunal. »

Il est difficile de réunir plus d’erreurs en moins de mots.

Voet n’a dirigé aucun libelle contre Descartes. Schoockius, auteur d’un livre de trois cents pages contre la philosophie cartésienne, n’était pas un écolier, mais un professeur déjà célèbre. Descartes a daigné lui répondre. Schoockius poursuivi, non devant un tribunal, mais devant le sénat académique de Groningue, n’a pas été condamné.

Schoockius, dès la première page, marque par son épigraphe empruntée à Plaute la volonté de respecter les anciens auteurs, sans chercher présomptueusement des voies nouvelles : Viam qui nescit qua veniet ad mare, eum oportet amnem quœrere comitem sibi.

Le premier soin de l’auteur est de défendre Voet, son maître vénéré : Pro theologo dilectissimo, mihi professore, paucula tantum verba faciam. Schoockius proteste contre la violence de Descartes, digne d’Archiloque. Je n’ai pas souvenir d’avoir lu Archiloque, mais pour que la comparaison soit calomnieuse, il faudrait le supposer terriblement violent. La modestie, conseillée sans doute par Voet, qui corrigeait les épreuves, empêche de rapporter les louanges que de grands hommes lui ont accordées. Pudor et modestia non permittant exhibere litteras magnorum virorum quibus illius theses quotidie efflagitant.

Voet, suivant Schoockius, n’a jamais accusé Descartes d’athéisme. Chacun peut lire ses thèses, il fait seulement le récit de leur discussion publique. On a demandé, d’une manière générale, si, dans un certain cas, un philosophe peut être traité de bête et d’athée. Le pour et le contre ont été produits avec une entière liberté. Schoockius s’écrie : Hoccine est per calumniam alios vocari atheos et bestias ? O Thersitica capita !

L’exclamation me paraît, contre la thèse des insulteurs de Voèt, un argument décisif.

Voet, suivant leur accusation, a, dans une dispute universitaire publique, adressé à Descartes les plus atroces injures en préparant pour lui, par l’accusation d’athéisme, le supplice justement infligé vingt ans avant à Vanini.