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aux Feydeau, et qui, même en le louant, n’ont pu se tenir de mêler à ce que la force de la vérité leur arrachait en dépit d’eux, je ne sais quelle expression de mécontentement et de mauvaise humeur. C’est Sainte-Beuve, un Sainte-Beuve revenu du monde en ce temps-là, le Sainte-Beuve bourgeois et quelque peu cynique des Nouveaux lundis, qui a jadis écrit, sur l’Histoire de Sibylle, deux longs et venimeux articles, où il reprochait à Feuillet non-seulement son succès, mais la nature de ce succès, — comme s’il en eût lui-même encore été jaloux, — et jusqu’aux « équipages de ses élégantes lectrices. » C’est Edmond Scherer qui s’étonnait, qui s’indignait que l’auteur de Bellah, de la Petite Comtesse, du Roman d’un jeune homme pauvre, de Sibylle, osât, comme il disait, « se poser en romancier ; » et, depuis lors, ce qu’il y avait, je ne dis pas d’outré, mais d’impertinent dans ce jugement, ni Monsieur de Camors, ni Julia de Trécœur, ni le Journal d’une femme, ne lui ont inspiré, que je sache, le désir de l’atténuer ou de le rétracter. Il préférait les Confidences d’un joueur de clarinette ! Plus près de nous encore, après l’Histoire d’une Parisienne, après la Veuve, après la Morte, ai-je besoin de rappeler à ses lecteurs comment M. Lemaître a parlé d’Octave Feuillet ? avec autant de légèreté que d’esprit, mais avec moins d’esprit que d’injustice, et sans une parcelle de cette sympathie dont il nous reproche de manquer quand nous parlons ici de la Terre ou du Rêve. Et l’autre jour, enfin, dans une petite note du Temps, tout ce que M. France voulait bien accorder à Feuillet, c’était que ses romans, datés comme ils sont du « règne de la crinoline, » revivraient peut-être avec elle, quand ils auront comme elle, ainsi que les a paniers » et que les « falbalas, » à défaut d’autre charme, celui des choses pour toujours passées. Est-ce que, par hasard, aux romans d’Octave Feuillet M. France, aussi lui, préférerait ceux de M. Fernand Calmettes et de Mme Jane Dieulafoy ?

Non pas qu’à notre tour, en rendant à Octave Feuillet l’hommage que nous lui devons, nous nous proposions de nous aveugler volontairement sur ses défauts, ni même que notre amitié, qui lut grande pour lui, se croie tenue de les passer sous silence. Aussi bien que personne, nous savons, — et nous le disons tout de suite, — qu’une partie de son œuvre est déjà caduque : ni d’Onesta ni de Bellah, ni même du Roman d’un jeune homme pauvre, nous ne faisons plus d’estime ou de cas qu’il ne faut. Son théâtre non plus, — nous le craignons du moins, — ne lui survivra guère : ni la Tentation, ni la Belle au bois dormant, ni Montjoie, ni Julie, ni le Sphinx. Faut-il seulement faire exception pour le Village, pour le Cheveu blanc, pour le Cas de conscience, et la valeur proprement dramatique n’en est-elle pas inférieure à la valeur morale ? .. Mais, après