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assurée du décès, l’empereur ayant rendu, avec le souffle, un liquide tout noir. Alors elle employa tous ses efforts à placer Michel sur le trône impérial. Vainement ses serviteurs, qui avaient été les ministres de son père, lui conseillèrent de laisser au moins passer quelque délai. Elle ne voulut entendre à rien, et se hâta au contraire d’en venir à ses fins, stimulée surtout par l’eunuque Jean, frère de Michel. Jean, lui parlant en secret, ne cessait de lui représenter qu’ils étaient tous perdus si l’affaire souffrait le moindre retard. Elle revêtit donc Michel des ornemens impériaux, le fit asseoir avec elle sur le trône, et ordonna à tous les assistans de l’acclamer et de se prosterner devant lui. On prétend que, dans la même nuit, le patriarche Alexis, appelé en toute hâte, bénit le mariage de Zoé et Michel, prit part à la proclamation du nouvel empereur et assista à la mise en linceul de l’ancien.


Zoé ne fut pas heureuse avec son second mari, toujours en proie à sa maladie noire, à des accès d’épilepsie, à des crises de remords, s’efforçant à racheter son crime par des pèlerinages aux sanctuaires en renom, abandonnant à son frère l’eunuque l’administration de l’empire, le laissant étendre même sur l’impératrice son despotisme violent et tracassier, tandis que les barbares ravageaient les provinces. Michel ne se reprit qu’une seule fois pour marcher contre les Bulgares et les battre. Il revint mourir à Constantinople.

Lui mort, l’eunuque Jean entreprit d’imposer à l’impératrice un maître de son choix : c’était un neveu à lui, et comme lui un grossier Paphlagonien, qui avait été calfat sur les chantiers du port. Il devint l’empereur Michel le Calfat. Il était trop jeune pour que Zoé osât l’épouser ; elle se contenta de l’adopter, en lui faisant jurer, à la table de communion, de la traiter comme une mère. Le parvenu fut ingrat pour tout le monde : il exila son oncle Jean et fit eunuques plusieurs de ses parens dont il redoutait l’ambition ; puis il relégua l’impératrice dans l’île de la Princesse, où elle fut internée dans un monastère. Tels étaient le respect et l’affection du peuple pour le sang de la dynastie macédonienne, que, malgré les crimes et les folies de Zoé, tout Constantinople s’insurgea. Les uns mirent à leur tête le patriarche Alexis, les autres tirèrent de son couvent la vieille Porphyrogénète Théodora. Un monastère où l’empereur s’était réfugié fut, malgré le droit d’asile, pris d’assaut, et le Calfat, traîné sur la place du Sigma, eut les yeux crevés.

Zoé, ramenée dans Byzance, partagea le trône avec Théodora. Les deux princesses ne s’accordèrent pas longtemps ; Théodora rentra dans son monastère, et Zoé se mit en quête d’un mari. La triple expérience qu’elle venait de faire avec Romain III et les deux Michel, les prohibitions de l’Église contre les troisièmes noces, ne