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des titres. En cas de crise, il lui faudrait réaliser les rentes, et si cette réalisation laissait une insuffisance, ce serait à la Caisse des dépôts à la combler, et, à son défaut, au gouvernement.

Il y a là une éventualité sérieuse, un péril réel. On a vu plus haut que le prix de revient des valeurs achetées représentait d’abord les 3 milliards déposés et donnait, en outre, une garantie, sous forme de plus-value de cours, supérieure à 325 millions, soit de plus de 10 pour 100 du montant éventuellement remboursable, sans compter les lib millions de la réserve spéciale. Cette situation est actuellement encore rassurante. Mais elle ne conserverait pas longtemps ce caractère si les capitaux continuaient d’affluer aux Caisses d’épargne et que la Caisse des dépôts fût obligée d’acheter tous les jours une quantité de plus en plus forte de rentes et à des prix toujours plus élevés. Bientôt la garantie, dont M. Rouvier faisait ressortir avec raison l’importance, s’atténuerait au point de ne plus paraître suffisante et l’inquiétude pourrait naître dans le public. D’un autre côté, le rendement du portefeuille des Caisses d’épargne qui, jusqu’ici, était resté supérieur au taux d’intérêt de ! pour 100, n’est plus aujourd’hui que de 3 fr. 75 pour 100, par suite des derniers achats faits à des cours très élevés, et la Caisse se trouve en perte. Des circonstances nouvelles peuvent, il est vrai, amener un ralentissement dans les dépôts comme d’autres circonstances avaient provoqué depuis un an une accélération si remarquable. Mais cette simple possibilité ne peut être considérée comme une garantie efficace contre un danger dont les hommes politiques et les économistes se sont avec raison préoccupés.

Le plus sûr et le plus simple moyen de ramener dans de justes limites le mouvement naturel d’apport, aux Caisses d’épargne, des économies de la population, est de réduire le taux d’intérêt qui leur est offert[1] au point exact où il correspondrait avec le rendement du portefeuille. En ramenant de 4 pour 100 à 3 1/2, même à 3 1/4 le taux payé par la Caisse des dépôts aux Caisses d’épargne, on ne ferait, d’ailleurs, que mettre la rémunération des petits capitaux en harmonie avec les changemens que les dernières années ont introduits dans le taux général de l’intérêt. On a beaucoup discuté sur l’emploi qui devrait être fait du bénéfice ou boni que réaliserait la Caisse des dépôts en payant un intérêt

  1. La question est pendante depuis trois ans devant le pouvoir législatif. Les chambres n’ont que le choix entre les diverses propositions de réforme des Caisses d’épargne émanées soit du gouvernement, soit de l’initiative individuelle. Un débat sur le point spécial de la réduction du taux de l’intérêt, engagé à la chambre le 3 décembre courant, a eu pour résultat la fixation à 3 fr. 75 pour 100 du taux de l’intérêt à payer à revenir par la Caisse des dépôts et consignations aux Caisses d’épargne.