Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/890

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conditions. Soudain, le 3 février 1888, il est livré à la publicité. Il avait été renouvelé en 1883 et en 1887 ; il avait reçu l’accession de l’Italie. On ne décèle cependant que le texte primitif, élaboré entre M. de Bismarck et le comte Andrassy, le seul que nous connaissions encore, sans faire nulle mention des signatures échangées postérieurement à sa date soit avec le cabinet de Vienne, soit avec celui de Rome. A quelle nécessité a-t-on obéi ? que se proposait le chancelier allemand ? On n’en a donné qu’une explication. La voici : à l’ouverture de la session du Reichstag, il avait présenté un projet de loi demandant un crédit supplémentaire de 280 millions de marks pour les services militaires. Comme l’opinion publique, l’assemblée fédérale l’accueillit avec un sentiment de surprise et de défiance. L’armée allemande, disait-on, est, de toutes les armées de l’Europe, la plus puissante par le nombre et l’armement autant que par son organisation ; c’est donc la guerre que l’on prévoit, que l’on veut à date prochaine ! Le chancelier aurait rencontré l’incrédulité si, après nos défaites, il avait encore évoqué le spectre de l’ennemi héréditaire. Il prit le parti de démontrer au pays et à ses représentans, qu’il voulait la paix et non la guerre, et il plaça sous leurs yeux le traité conclu avec l’Autriche. Mais pour assurer la paix, il entendait mettre l’Allemagne en mesure de ne pas redouter la guerre, et ne rien négliger pour la rendre, si elle s’imposait, désastreuse à ses adversaires. Peu de jours après, le 6 février, le projet de loi vint en discussion, et il prit la parole pour développer ce double thème. Il fut courtois pour le tsar : « J’ai pu me convaincre, dit-il en débutant, que l’empereur Alexandre n’avait ni tendances belliqueuses contre nous, ni l’intention de nous attaquer, ni le penchant des guerres agressives en général. Je n’ajoute pas foi à la presse. Je me confie, et j’y crois, à la parole du tsar… La Prusse doit de la reconnaissance à la Russie depuis 1813. Le solde en a été beaucoup utilisé sous le règne de l’empereur Nicolas, et je puis dire qu’il a été épuisé à Olmütz ; mais nous avons conservé notre amitié à la Russie et nous lui sommes reconnaissans de son attitude en 1866 et en 1870. À cette dernière occasion, nous pûmes encore lui rendre service en lui procurant, par nos victoires, la main libre dans la Mer-Noire… Nous nous efforçons de respecter les droits que la Russie tire des traités… et si elle nous demande de soutenir ses démarches auprès du sultan pour ramener les Bulgares à la situation créée par l’entente des puissances, je n’hésiterai pas à accorder notre appui… » Parallèlement à cette thèse et en les entrelaçant, le chancelier a longuement développé celle de la paix : «… Nous voulons son maintien, a-t-il déclaré. Nous voulons la conserver avec tous nos voisins, notamment avec la Russie… Nous