Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous contenterons d’étudier ses mœurs. Sans pénétrer dans sa conscience, voyons comment se manifeste chez lui la passion de l’amour.


IV.

Chez les oiseaux, le mâle est toujours différent de la femelle. Son plumage est plus richement coloré. Sa voix est plus brillante, plus harmonieuse. Sa taille est plus forte. Le beau sexe, chez l’oiseau, est le sexe mâle, et Darwin a mis en lumière la cause de cette grande différence.

En effet, chez la plupart des oiseaux, un mâle suffit à plusieurs femelles. Or, comme le nombre des mâles est, à peu de chose près, le même que le nombre des femelles, il faut une élimination, un choix, une sélection. De là une lutte entre les mâles, qui cherchent à effacer leurs rivaux, par l’harmonie de leur chant ou la parure de leur plumage : c’est la femelle qui juge, et qui choisit pour époux celui des mâles qui a paru le plus brillant.

Quelquefois les tournois sont moins pacifiques, et il s’engage entre les mâles une véritable bataille. On sait que, dans une basse-cour, deux coqs ne peuvent vivre côte à côte. Ils sont sans cesse à se battre, non pour l’empire, mais pour les poules, qui assistent à ces combats meurtriers.


Sors vainqueur d’un combat dont Chimène est le prix.


C’est le plus fort qui triomphe, évidemment; celui qui a un bec plus solide, des ergots plus pointus, un crâne plus résistant, des muscles plus souples et plus vigoureux. Le vaincu est réduit à se cacher piteusement, et, même vaincu, il est poursuivi par le vainqueur, et battu, houspillé, parfois jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Cette lutte des mâles, soit par la beauté, soit par le chant, soit par la guerre, a un résultat remarquable au point de vue du perfectionnement de l’espèce. Ce sont les plus beaux et les plus forts qui triomphent; ceux qui sont malingres, ou dont le plumage est médiocre, sont dédaignés par les femelles, et il ne leur est pas permis de faire souche. Les plus forts et les beaux ont seuls droit à la reproduction, et la race ne dégénère pas; au contraire, par le fait même de ces luttes, elle tend toujours à s’améliorer. C’est ce que Darwin a bien appelé la sélection sexuelle, et il en a donné d’excellens exemples.

Il suffira d’en citer quelques-uns, pour montrer à quel point chez les animaux le sentiment de l’amour ressemble à ce que connaissent les hommes. D’ailleurs, après des considérations très générales, et nécessairement un peu vagues, il n’est pas mauvais