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coalition, et après les avoir tenues en échec, finir par les faire capituler l’une par l’autre[1].

Avec ce sous-entendu de part et d’autre, le rendez-vous fut pris pour le moment où la campagne devrait finir, et le lieu de réunion choisi fut la ville impériale et neutre d’Aix-la-Chapelle.


En réalité, ce qui indépendamment de toute autre cause aurait toujours empêché les pourparlers d’aboutir, c’est que, pendant que l’on conversait, chacun était dans l’attente de l’issue du siège de Berg-op-Zoom, dont la durée se prolongeait au-delà de ce qu’on avait pu prévoir, et dans des conditions de nature à rendre le succès incertain : l’échec, s’il avait eu lieu, eût eu pour conséquence de remettre tout en question. Le biographe et le confident de Maurice, d’Espagnac, convient qu’en décidant cette entreprise un peu précipitamment peut-être, au lendemain de Lawfeldt, il ne s’était pas rendu suffisamment compte de la résistance qu’on devait rencontrer. Il est difficile pourtant de supposer qu’il ignorât avec quel soin particulier ce point important de la frontière hollandaise avait été mis en état de défense par le rival de Vauban, le célèbre Cohorn, à une date encore récente, pendant la guerre de la succession d’Espagne. Cet habile homme avait tiré le plus heureux parti de la position originale de la ville, située à peu près au sommet de l’angle que forme la bifurcation de l’Escaut à son embouchure, et en relation avec l’un des bras du fleuve par la petite rivière de Zoom qui la traverse. Après avoir enfermé la place elle-même dans une enceinte de fortifications rasantes, très enterrées et donnant peu de prise au canon, il avait établi, attenant à l’un des flancs de cette enceinte, un véritable camp retranché qui se prolongeait pendant plus d’une lieue, couronné de plusieurs forts, et dont les abords pouvaient, moyennant une double inondation du fleuve et de la rivière, être complètement submergés. De plus, un autre fort avait été dressé en dehors de la ville, à l’endroit où la Zoom se jette dans l’Escaut.

L’erreur de Maurice, nous dit toujours d’Espagnac, avait été de croire que de ce côté au moins on pourrait aborder la ville à marée basse et l’enlever par un coup de main. Trompé dans cette espérance, Lowendal n’eut plus de ressource que d’entreprendre devant la place elle-même et devant les forts du camp retranché, un siège

  1. Précis de la conversation de M. le marquis de Puisieulx avec M. le comte de Sandwich, 11 septembre 1747. (Correspondance d’Angleterre. — Ministère des affaires étrangères.) — Lord Sandwich à Chesterfield, 11 septembre 1747. (Record office.) — Les deux récits anglais et français de l’entretien sont assez semblables. Seulement Sandwich, par une raison facile à apprécier, ne dit rien de la perspective d’une négociation séparée pendant le congrès, dont Puisieulx fait mention.