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par un petit billet significatif, auquel (pour ne rien lui enlever de son caractère) je me permettrai de laisser l’orthographe. « Je suis bien aise, mon cher comte, d’aître le premier à vous saluer maréchal de France : je vous envoy notre ami Sourdis, pour vous porter saite nouvelle. La gloire ait plus dans vos œuvre que dans la grasse que le roy vous a accordés : je ne vous en dires pas davantage dans ce moment ou la joy éclate d’une part sur les visage et la jalousie de l’autre. Vous savez ce que je vous suis[1]. »

Et le même jour, le roi, en écrivant aux évêques de France pour leur demander de faire chanter un Te Deum, faisait valoir, en quelques lignes dont la précision était due sans doute aux indélicatesses directes du maréchal de Saxe, la grandeur et l’importance de l’opération. « Pendant que je contenais mes ennemis, disait-il, retirés sur la droite de la Meuse, j’ai fait marcher sur le Bas-Escaut le comte de Lowendal, l’un de mes lieutenans-généraux, vers la place de Berg-op-Zoom, et cette place formidable, entourée de forts, de retranchemens et d’inondations qui en empêchaient l’investissement, défendue par une armée et rafraîchie continuellement de troupes et de munitions, vient d’être emportée par la valeur de mes troupes dirigées par l’expérience du chef qui les commandait. L’importance de cette conquête qui achève de m’assurer tout le cours de l’Escaut doit faire connaître de plus en plus aux alliés de mes ennemis qu’ils auraient dû plutôt concourir aux vues pacifiques dont je les ai faits tant de fois dépositaires, qu’à fomenter, comme ils font, une guerre dont leur pays devient le théâtre, quelque désir que j’aie de l’éviter, s’il m’avait été possible. »

Enfin, la nouvelle était d’autant mieux venue qu’on ne tarda pas à savoir que Cumberland, pressé depuis longtemps par les Hollandais d’aller au secours de la ville assiégée, allait céder enfin à leurs instances et devait se mettre en mouvement le 18, le lendemain du jour où la ville avait succombé[2]. La veille encore, un officier, envoyé tout exprès pour s’enquérir de l’état des opérations, déclarait qu’elle était imprenable par un coup de main et qu’on avait tout le temps de lui venir en aide.

Dans les rangs ennemis, la déception fut donc profonde; on avait avidement accepté l’espérance de voir la France humiliée sur le théâtre même de ses derniers exploits. On reconnaissait au contraire

  1. Tongres, 17 septembre 1747. — Cette pièce si précieuse est en la possession de M. le marquis de Bouillé, qui a bien voulu me la communiquer.
  2. D’Arneth nous apprend (t. III. p. 325) que c’étaient les Autrichiens qui avaient retenu jusque-là Cumberland, craignant toujours, si Maestricht était abandonné et par suite conquis, d’être privés d’un centre de communications entre l’Allemagne et les Pays-Bas.