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à la frappe libre il substitua l’obligation pour le trésor d’acheter chaque mois de l’argent à monnayer en dollars pour une somme de 2 millions de dollars au moins et de 4 millions au plus. C’est là la loi si connue en Europe sous le nom de Bland-bill, désignation inexacte, car le député Bland avait obtenu à une énorme majorité le rétablissement de la frappe libre de l’argent. Le président Hayes, on s’en souviendra, opposa à l’Allison-bill un veto, qui fut annulé le jour même, 28 février 1878, à la majorité des deux tiers, par la chambre, 196 oui, 73 non, et par le sénat, 46 oui contre 19 non.

En même temps, un sénateur de l’Ohio, M. Matthews, obtint des deux chambres, 29 janvier 1878, le vote d’une résolution peu connue en Europe, quoiqu’elle soit de première importance pour tous ceux qui détiennent des titres quelconques des États-Unis. Ce bill porte que les obligations (bonds], ayant été stipulées remboursables, capital et intérêts, en monnaie légale (coin), à une époque où le dollar d’argent de 412 grains 1/2 avait cours légal, les États-Unis ont, à leur option, le droit de faire tout remboursement en cette monnaie. Il s’ensuit que, quelle que puisse être un jour la dépréciation de l’argent, l’Union aura toujours le droit de payer ses dettes en ce métal.

Depuis 1878, le trésor américain a régulièrement acheté, chaque mois, pour 2 millions de dollars d’argent, au fur et à mesure monnayés en dollars standard. Comme, depuis la guerre de la sécession, le peuple s’était habitué à se servir principalement de papier-monnaie, ces dollars eurent peu de succès et ils allèrent s’entasser en montagnes dans les caves publiques, qu’il fallut sans cesse agrandir, jusqu’au moment où l’on s’avisa de les représenter par des silver-certificates, certificats de dépôt. Sous cette forme, ils entrèrent peu à peu, presque en totalité, dans la circulation, à l’égal des autres billets de banque.

Malgré le succès de cette dernière combinaison financière, l’Allison-bill ne produisit aucun des effets qu’en avaient espéré ses partisans : il n’arrêta ni la dépréciation du métal blanc, ni la baisse continue du prix des denrées. Aussi l’agitation en faveur de la réhabilitation complète de l’argent recommença bientôt avec une intensité croissante. Les États-Unis essayèrent d’abord de s’entendre avec l’Europe, et spécialement avec la France, pour l’adoption du bimétallisme international, sur la base d’un rapport identique entre les deux métaux, ce qui impliquait le rétablissement de la frappe libre de l’argent. Mais les deux conférences monétaires de 1878 et de 1881 n’ayant abouti qu’à des vœux platoniques en faveur de la continuation de l’emploi de ce métal, les Américains commencèrent à se persuader qu’ils pourraient agir seuls, sans le concours de l’Europe.

La conviction se répandit partout que la cruelle détresse de