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vaste que l’Amérique méridionale. Jusqu’à présent, les échanges s’y faisaient, comme on le sait, au moyen de billon de cuivre et de petits lingots d’argent, qu’il fallait, à chaque paiement, essayer et peser. C’était donc le régime du troc, avec toutes les entraves qu’il apporte à la circulation. Récemment, la Chine a frappé des monnaies impériales en argent, et si elle continue à le faire, il faudra une quantité supplémentaire notable de ce métal pour fournir un instrument d’échange suffisant à ses 400 millions d’habitans.

Il est une autre considération que les partisans du métal blanc peuvent faire valoir en sa faveur. Des économistes de grande autorité, et parmi ceux-ci Michel Chevalier en France, MM. Frère-Orban et Pirmez en Belgique, les ministres des finances en Hollande, ont soutenu, après 1850, que le meilleur métal monétaire est l’argent, et même, sous l’empire de cette opinion, la Belgique et la Hollande avaient adopté l’étalon d’argent. À mon avis, ils n’avaient pas tort. Sans doute, l’argent est plus encombrant que l’or ; mais du moment qu’il est représenté par des certificats ou des billets de banque, cet inconvénient disparaît. Quoique sous le régime bimétallique, la Néerlande, le pays le plus commerçant du monde, possède très peu d’or, et les transactions s’y règlent presque exclusivement au moyen de billets et d’argent. La qualité principale d’une monnaie est la stabilité de sa valeur. À cet égard, l’or présente un grave défaut : comme l’a montré M. Suess, professeur à l’université de Vienne, dans son livre si intéressant : Zukunft des Goldes (l’Avenir de l’or), sa production, provenant pour les sept huitièmes du lavage des sables aurifères, est extrêmement irrégulière. De nouveaux placers livrent subitement des quantités énormes et puis s’épuisent rapidement ; tandis que la production de l’argent, opération industrielle, s’accroît régulièrement, à peu près dans la mesure des besoins croissans de l’échange dans le monde entier. À ne garder qu’un seul métal comme monnaie libératoire, mieux vaudrait encore choisir l’argent.

Quoi qu’il en soit, la cause du free-coinage, c’est-à-dire de la frappe libre de l’argent, semble avoir fait aux États-Unis des progrès si rapides et si décisifs qu’elle pourrait bien l’emporter dans la session prochaine du congrès, où les démocrates, les amis de l’argent, seront en beaucoup plus grand nombre.

Au mois de juillet dernier, la frappe libre, qui avait été adoptée, nous l’avons vu, à une majorité de 17 voix au sénat, n’a été repoussée dans la chambre basse par les républicains votant contre les démocrates, qu’à la même majorité de 17 voix. Or les dernières élections ont donné aux démocrates une prépondérance écrasante. L’une des