Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas encore là d’ailleurs : auparavant, on essaiera des régimes transitoires et des conciliations; c’est aussi ce que je me propose de faire aujourd’hui.

Il convient de présenter d’abord, d’après les statistiques officielles, quelques brèves indications numériques sur l’état de l’enseignement public en France à ses divers degrés, état qu’il est nécessaire de connaître dans toute son étendue, pour bien limiter le problème de l’enseignement secondaire. Puis je chercherai quelle est, aux yeux des familles et au point de vue de l’État, la destination effective de l’enseignement secondaire. Pour en faire mieux comprendre l’état actuel, je rappellerai sommairement les phases dialectique, puis classique, qu’il a traversées depuis le moyen âge jusqu’à notre temps : ce qui nous amènera à examiner le problème du jour, celui des deux formules fondamentales de l’enseignement secondaire, ainsi que les rôles respectifs des langues anciennes et des langues vivantes, et celui de l’enseignement des sciences, toutes questions agitées dans ces derniers temps. J’insisterai surtout sur l’opposition qui existe entre l’éducation fondée sur les données littéraires et l’éducation fondée sur les données scientifiques, discipline dont le véritable caractère me paraît avoir été souvent méconnu, sinon même ignoré, par quelques-uns des défenseurs des anciennes formules d’enseignement. Tel est même l’objet principal du présent article et sa conclusion : je me propose d’établir que la science a sa vertu éducatrice propre, au sens le plus complet du mot, et que, si l’on veut constituer à côté des humanités anciennes une culture originale, qui ne soit pas la contrefaçon affaiblie de l’enseignement classique, cette culture doit avoir un caractère essentiellement scientifique.

Le sujet est si vaste qu’il serait téméraire de prétendre l’embrasser tout entier dans le cadre d’un article de revue. Tout ce que je désire, c’est exposer certaines vues personnelles, qu’une étude et un maniement prolongés des affaires de l’instruction publique m’ont suggérées : je réclame l’indulgence du lecteur pour ce que ces vues pourront avoir d’incomplet ou de contraire à ses propres idées.


I. — STATISTIQUE DE L’ENSEIGNEMENT PUBLIC EN FRANCE.

La place véritable de l’enseignement secondaire dans la société française ne saurait être appréciée exactement que si l’on connaît la répartition des enfans entre les divers genres d’enseignement : c’est la base nécessaire de toute discussion. Elle est facile à établir, car le ministère de l’instruction publique publie de temps en