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base même de la société. Aujourd’hui, ces principes ont perdu leur force et ils ont été remplacés par un objectif bien différent, celui de la libre pensée et de la démocratie. L’idée de la patrie, que le moyen âge avait presque oubliée, a reparu depuis le XVe siècle en France et elle a pris une force qui s’accroît tous les jours. C’est l’une des conceptions dominantes des peuples modernes, et leur constitution en grands corps de nationalités, dans ces derniers temps, n’a fait que la fortifier davantage; quelle que soit d’ailleurs la destinée que lui réserve un lointain avenir. Ainsi, la majorité des Français regardent l’État comme tenu d’assurer à l’enseignement secondaire public un caractère national, moderne et républicain. L’État en a d’autant plus le droit, que les frais des établissemens qui y sont consacrés sont assumés, pour une part considérable, par le budget.

Attachons-nous maintenant aux objets spéciaux de l’enseignement secondaire. Les familles comme l’État tendent vers un même but, le but professionnel. Il est bien peu d’enfans, je le répète, qui suivent les cours uniquement pour développer leur culture intellectuelle, sans avoir en vue aucun objet pratique ou profession. C’est ce qui rend un peu illusoire toute polémique a priori sur les buts généraux de l’enseignement secondaire, telle que celle qui a été soulevée dans ces derniers temps.

En fait, l’enseignement secondaire a deux degrés, suivant l’âge auquel les enfans doivent terminer leur culture générale pour entrer dans les carrières productives.

Dans son degré inférieur, c’est-à-dire jusque vers l’âge de quatorze à quinze ans, qui répond à la fin de la quatrième, il prépare les enfans à des professions privées : agricoles, commerciales ou industrielles, ouvertes à tous sans réserve, et d’application immédiate. Il confine sous ce rapport à l’enseignement primaire supérieur, et même, dans une certaine mesure, à l’enseignement technique proprement dit, lesquels aboutissent aux mêmes professions.

Dans son degré supérieur, le problème est plus complexe. En effet, on s’est proposé d’une part de maintenir la culture au plus haut degré intellectuel et moral, afin de former des hommes éclairés, des citoyens dévoués à la patrie et à ses institutions et, d’autre part, on a prétendu diriger cette culture de façon à réaliser une préparation encyclopédique de l’ensemble des professions libérales, vers lesquelles les jeunes gens se dirigent au sortir de nos écoles.

Le premier but a donné naissance à bien des discussions : j’y consacrerai l’un des chapitres de la présente étude. Mais je dois m’attacher pour le moment au second objet, qui répond à une destination plus clairement définie, et plus universellement acceptée.