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En effet, nous pouvons aisément dresser le tableau des connaissances élémentaires qu’il est indispensable de posséder pour pouvoir entreprendre ensuite avec fruit, soit les études spéciales aux professions d’avocat, de médecin, de pharmacien, d’ingénieur, etc., soit la préparation aux concours des grandes écoles de l’État : Normale supérieure, Polytechnique, Saint-Cyr, Centrale, Agronomique, etc. Nous avons affaire à des données clairement définies par les programmes de concours et d’examen, et par là même, l’orientation des études secondaires qui y conduisent est déterminée avec précision.

Cependant ici s’est présentée une difficulté qui domine toutes les discussions relatives aux enseignemens classique ou spécial; difficulté à laquelle on n’a su donner jusqu’ici aucune solution satisfaisante, ni même acceptable en principe. Elle résulte de l’obligation que l’on s’est imposée de préparer à la fois, par un même enseignement, à l’ensemble des professions libérales et des grandes écoles. Par suite, on a été forcé d’enseigner simultanément à tous les enfans, au moins jusqu’à la rhétorique, les élémens de toutes les sciences ; tandis que l’on se regardait comme obligé de maintenir simultanément pour tous un enseignement littéraire élevé. De là, la surcharge des programmes et des études, qui écrase à la fois les professeurs et les élèves ; surcharge aggravée encore par les prétentions des spécialistes, chargés de rédiger les programmes, et qui s’indignent contre toute tentative pour en restreindre le détail indéfini. Un conflit funeste s’est élevé à cet égard entre la destination générale de l’enseignement et ses objets spéciaux, et la première a été en grande partie sacrifiée. Je demande la permission d’insister sur le caractère de ce conflit.

L’enfant et l’homme qu’il est appelé à devenir ne sont pas des êtres passifs, des récipiens dans lesquels on emmagasine de gré ou de force une certaine somme de doctrines et de sciences, distribuées d’une façon plus ou moins harmonique; doctrines et sciences qu’ils retrouveront plus tard dans leur mémoire, telles qu’on les leur aura enseignées, au moment des examens et plus tard dans les écoles d’application et dans la vie toute entière. Loin de là : ce qu’il s’agit de développer dans l’enfant, en même temps que la mémoire et l’habileté momentanée à répondre à un examinateur, c’est l’aptitude au travail et l’activité personnelle ; il s’agit d’exciter la curiosité et l’initiative du jeune homme, et de provoquer dans son esprit l’élaboration propre et en quelque sorte la digestion de ces connaissances hâtivement accumulées. Par là seulement on mettra réellement en valeur les facultés individuelles et les capacités latentes.