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moyen âge tombaient en décadence, l’idéal antique reparaissait avec la renaissance et l’objet de l’éducation se trouvait par là même changé; il prenait un caractère nouveau, qui a persisté jusqu’à notre temps et qu’il convient de définir, parce qu’il joue un rôle capital dans nos discussions actuelles.

Au moyen âge, l’éducation, essentiellement scolastique et théologique, aboutissait à la dialectique, envisagée comme son but supérieur. La renaissance changea le but, et elle introduisit dans l’éducation cette idée de la prépondérance de la culture littéraire, sur laquelle nous avons vécu jusqu’au siècle présent. La transformation fut rapide.

Dès la fin du XVIe siècle, nous lisons dans les programmes d’étude pour 1583 du collège de Guyenne (schola aquitanica) tout un système organisé, comprenant dix années, de la dixième à la seconde et à la première (notre rhétorique), système absolument pareil à celui de notre enseignement secondaire actuel, à cela près que les programmes en étaient purement littéraires. La seule différence essentielle dans l’organisation d’alors et la nôtre ne se manifeste qu’après la rhétorique : il s’agit des enseignemens de la philosophie et des mathématiques, qui étaient donnés à cette époque dans les facultés des arts, tandis que de notre temps ils font partie intégrante de l’enseignement des lycées : je ne sais si l’on ne reviendra pas plus tard sur ce dernier système. Au début donc, dans les collèges du XVIe siècle, on enseignait seulement les langues anciennes et surtout le latin; car l’enseignement du grec a toujours été imparfait, et dès les XVIIe et XVIIIe siècles, on entend les mêmes plaintes que de nos jours sur l’imperfection de cet enseignement et le peu de fruit qu’il produit. Malgré l’enthousiasme justifié des lettrés pour l’hellénisme, il n’a jamais été adopté et poursuivi avec zèle que par quelques élèves exceptionnels. Le latin demeurait donc l’objet fondamental. Dans les statuts de 1598, destinés à consacrer une première réforme de l’enseignement, l’histoire, la géographie, la langue et la littérature française ne sont pas présentées comme objets obligatoires ; mais ces études ne tardèrent pas à le devenir, les idées sur le but de l’instruction s’élargissant sans cesse.

Au XVIe siècle, dans le collège de Juilly, puis à Port-Royal, le français est déjà le but et l’instrument général de l’enseignement. Le développement et la constitution définitive de la littérature française, envisagée comme une nouvelle culture classique, de valeur comparable à celle des langues anciennes, datent du temps de Louis XIV ; elle a eu son contre-coup nécessaire sur l’enseignement. Ainsi, dans le plan de réforme de Rollin, au commencement du XVIIIe siècle, le français prend une part considérable; l’histoire