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de Rembrandt als Erzieher résume le caractère de ses compatriotes : « Musique et honneur, sauvagerie et douce piété, ingénuité d’enfant et amour de l’indépendance, individualisme et idéalisme, tels sont les traits essentiels de la nature allemande. «  Les Français impartiaux qui nous ont parlé de l’Allemagne ont mis dans leur jugement plus de réserve et moins d’enthousiasme. Ce qu’ils ont dit pourtant confirmait sur plus d’un point l’opinion des écrivains allemands. Déjà Voltaire, après s’être amusé de la grossièreté d’allure des Allemands, de leur gloutonnerie et de la facilité de leurs mœurs, reconnaissait qu’en aucun autre pays la vertu et la probité populaires ne s’étaient conservées aussi pures. Pour Mme de Staël, « les Allemands ont en général de la sincérité et de la fidélité, ils ne manquent presque jamais à leur parole et la tromperie leur est étrangère... » — Ailleurs : «La nation allemande, nous dit-elle, a l’incapacité de cette souplesse hardie qui fait plier toutes les vérités pour tous les intérêts ; ses défauts, comme ses qualités, la condamnent à l’honorable nécessité de la justice. » — C’est elle encore qui nous fournit ce trait typique : — « La bonne foi des Allemands est telle qu’à Leipzig un propriétaire ayant mis sur un pommier qu’il avait planté au bord de la promenade publique un écriteau pour demander qu’on ne lui en prît point les fruits, on ne lui en vola pas un seul pendant dix ans. J’ai vu ce pommier avec un sentiment de respect : il eût été l’arbre des Hespérides qu’on n’eût pas plus touché à son or qu’à ses fleurs. »

Henri Heine, Prussien libéré, qui parle des Allemands aux Français et qui fait voir à tout moment la honte et le regret qu’il ressent d’être né en Allemagne, lui-même rend hommage à la loyauté du caractère germanique. Il a beau mépriser la sottise des Allemands, qui seule, d’après lui, les fait rester vertueux, jamais il ne manque à reconnaître la réalité et même la commodité pratique de cette vertu dont il rit. Il définit les Allemands des chênes sentimentaux; mais, pour prouver que sa définition n’a rien d’injurieux, il exalte en Luther le plus Allemand des Allemands c’est-à-dire « le mélange d’un rêveur mystique et d’un homme d’action. » Jamais il n’omet non plus de signaler la source de rêve et de poésie qui jaillit spontanément de toute âme allemande. Son livre de l’Allemagne est en somme, et peut-être à son insu, une glorification de la poésie nationale germanique opposée à la précise et prosaïque poésie de nos races gallo-romaines.

Avec quelle tendresse Michelet, dans son Histoire de la réforme, nous a entretenus de l’Allemagne! Combien de fois M. Renan nous a vanté le génie des races germaniques, leur attachement au devoir, la liberté hardie de leur pensée, leur force et leur douceur! En face du juif alsacien Nucingen, Balzac nous présentait le modèle de