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toutes petites. Elles jouaient en anglais et riaient avec les Américains, et cela aurait fait des sujets charmans d’estampes anglaises. J’admirais la simplicité d’un jeune homme aussi distingué, tandis qu’il y a tant de gens qui n’ont rien fait qui sont aussi avantageux que celui-là l’est peu[1]. »


VI.

L’état des finances et le besoin de combler le déficit avaient déterminé le contrôleur-général, M. de Calonne, à convoquer les notables.

Cette assemblée se réunit le 22 février 1787. Elle se composait De 144 membres choisis par le roi dans les trois ordres de l’état et des présidens et procureurs-généraux des cours souveraines. Elle fut divisée en sept bureaux, chacun présidé par un frère du roi ou un prince du sang. La Fayette se trouva dans le bureau du comte d’Artois, et il joua un rôle important. Son nom avait d’abord été rayé de la liste. Deux ministres : le baron de Breteuil et le maréchal de Castries, désapprouvèrent cette radiation, et Calonne rétablit La Fayette[2].

Certes, les notables n’étaient pas les représentans de la nation, mais ils étaient soutenus par l’esprit public. On sait que le plan d’impôt du contrôleur-général fut rejeté : — « Nous avons déclaré, écrivait La Fayette à Washington, que, bien que nous n’eussions aucun droit d’empêcher les mesures du gouvernement, notre droit était de ne conseiller que celles que nous jugerions bonnes, et que nous ne pouvions penser à de nouvelles taxes avant de connaître le détail des dépenses et des réformes projetées. »

Le procès-verbal du 24 mars fait mention de la proposition de La Fayette de supplier le roi qu’il veuille bien, par la même loi qui abrogera la gabelle, ordonner que tous les malheureux « qu’elle a précipités dans les fers ou conduits aux galères soient aussitôt rendus à la liberté et à leurs familles. »

Un incident sérieux se produisit dans la séance suivante : M. de Nicolaï, président de la chambre des comptes, ayant dénoncé des contrats onéreux à l’état et ayant cité des faits précis, La Fayette et l’un des prélats les plus distingués du clergé, M. de La Luzerne, appuyèrent énergiquement ces plaintes. Le lendemain, le comte

  1. Archives de Seine-et-Oise, E 3151. Cette lettre nous a été communiquée par M. de Nolhac.
  2. Voir Mémoires, t. II, p. 191. et Correspondance, lettre du 5 mai.