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du moyen âge ou les châteaux de la Renaissance, alors qu’un comité et une inspection générale des monumens historiques fonctionnaient depuis plusieurs années déjà ? Quelles « recherches » restaient à entreprendre dans les musées provinciaux, depuis que l’administration centrale des beaux-arts avait entre les mains les catalogues de tout ce qui y était entré soit à l’époque de la Révolution, soit après la suppression, à Paris, du musée des Petits-Augustins ? Enfin, ne pouvait-on, sans sortir de Paris, aviser aux moyens d’améliorer l’enseignement du dessin ou de la musique dans les écoles de l’État, et une commission dont faisaient partie, entre autres membres de l’Académie, Ingres, Halévy et Paul Delaroche, n’avait-elle pas précisément été chargée de travailler à la solution de ces questions ? Néanmoins, si peu justifiée en fait qu’elle pût être, cette évocation du passé ne courait le risque ni de tromper la bonne foi, ni d’éveiller les susceptibilités de personne. Il n’en allait pas ainsi, tant s’en faut, d’un appel à d’autres souvenirs fait un peu plus tard par la commission du pouvoir exécutif elle-même : je veux parler de cette mensongère manifestation du 21 mars 1848, de cette pompeuse mystification renouvelée des fêtes révolutionnaires, dont elle avait pris l’initiative et taillé le programme sur le vieux patron consacré.

Aux termes de ce programme, il est vrai, il ne s’agissait plus de célébrer, comme autrefois, « l’écrasement du despotisme » ou de réhabiliter l’Être suprême. On entendait tout uniment fêter au Champ de Mars « la Concorde et la Paix, » symbolisées, d’ailleurs, par 200,000 hommes en armes, gardes nationaux, gardes mobiles et soldats ; par ces inévitables « jeunes filles vêtues de blanc » qu’on retrouve dans toutes les solennités publiques, comme dans tous les voyages des personnages politiques, un voile sur la tête et des fleurs à la main ; par le « Char » non moins prévu « de l’Agriculture » attelé de « bœufs aux cornes dorées ; » enfin, par des députations de tous les « travailleurs, » y compris les membres de l’Institut, dont la place avait été marquée, — rapprochement au moins bizarre, — derrière les vainqueurs de la Bastille, les blessés de février et les décorés de juillet, et immédiatement avant les délégués des ateliers nationaux et les noirs affranchis. La place, au surplus, ne fut pas occupée. Dans cette fête de la « Concorde » que les sanglantes journées de juin devaient suivre de si près, l’Institut eut pour seuls représentans Arago et Lamartine. Encore n’y figuraient-ils qu’à un tout autre titre que celui d’académiciens, et avec des préoccupations fort étrangères sans doute à ce sentiment de « joie expansive » dont un rédacteur du Moniteur universel, un peu plus confiant que de raison, affirmait le