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jusque-là. Elle en appela au conseil d’État de l’atteinte portée par le décret aux pouvoirs que les gouvernemens antérieurs au second empire lui avaient successivement conférés ou reconnus ; mais ces pouvoirs, si justement qu’ils eussent été placés dans ses mains, étaient-ils pour elle un patrimoine inaliénable, constituaient-ils des « droits » proprement dits ? En d’autres termes, — et toutes réserves faites sur ce que, au point de vue de l’art et des études, il avait de mauvais en soi, — un décret retirant à l’Académie les privilèges que d’autres décrets ou ordonnances lui avaient accordés, se trouvait-il par cela même illégal ? Que l’Académie rappelât, comme elle l’avait fait dans son « Mémoire à l’empereur, » que les statuts ou les règlemens lui attribuant le jugement des grands prix et la tutelle morale de l’Académie de France à Rome n’avaient jamais cessé d’être en vigueur ; qu’aucune loi ne les avait abrogés, qu’aucune mesure exceptionnelle ne les avait suspendus depuis la fondation de l’Institut, — rien de mieux. Il y avait là une preuve éclatante du prix qu’on avait, à toutes les époques, attaché à l’intervention de l’Académie dans les concours et, par suite, dans tout ce qui intéressait, à la villa Médicis, les travaux ou les progrès des pensionnaires : l’Académie était-elle aussi bien inspirée quand à l’éloquence de ses souvenirs elle ajoutait la menace, bientôt réalisée, d’un procès ? Le plus sage, à ce qu’il semble, eût été pour elle de ne pas dépasser les limites dans lesquelles elle avait agi d’abord, au lieu de s’exposer au risque de subir cette fin de non-recevoir par laquelle le conseil d’État répondit effectivement, quelques mois plus tard, à sa requête. A partir de ce moment jusqu’à la fin du régime impérial, c’est-à-dire pendant six ans, l’Académie, sans désespérer pour cela d’un retour de la fortune, dut se résigner à voir les intérêts qu’elle avait le plus à cœur de soutenir confiés à d’autres mains que les siennes. Il lui avait fallu renoncer à sa tutelle traditionnelle de la jeunesse, aux récompenses que, à si juste titre, il lui avait appartenu de décerner, à la joie de couronner chaque année, en plein Institut, sous les yeux de leurs maîtres et de leurs compagnons d’étude, ceux à qui ses suffrages venaient de donner l’Italie, la liberté, l’avenir. Plus de ces nobles têtes maintenant ; plus de ces consécrations publiques des jeunes talens promis à une réputation prochaine, à la gloire peut-être. C’était dans l’ombre de quelque bureau ministériel que les lauréats de l’administration allaient désormais chercher ces couronnes distribuées naguère au grand jour d’une séance solennelle par les représentans les plus éminens de l’art français. Aussi, lorsque, à la fin de l’année 186â, le moment lut venu pour l’Académie des Beaux-Arts de se réunir publiquement selon l’usage, mais,