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Au point de vue de la circulation, cette transformation des ponts est grave, elle nuit à des intérêts considérables en faveur desquels une possession séculaire a établi une très sérieuse prescription. Mais sa gravité n’est pas la même en tous les points. Là où la circulation est peu active, les arrêts dus à l’ouverture de la travée mobile seront de peu d’importance. L’inconvénient sera du même ordre que celui du passage à niveau d’un chemin de fer à travers une route ordinaire. Ces inconvéniens sont plus sérieux sur les ponts comme ceux de Saint-Denis, de la route d’Argenteuil, de Vernon, etc., où la circulation est importante. Mais ils s’accroissent très sensiblement, pour les ponts du chemin de fer de l’Ouest, du danger possible auquel une manœuvre mal faite, un signal oublié, peuvent exposer un train. Certains accidens dus à des causes de ce genre ont eu lieu en Amérique et ont pris le caractère d’épouvantables catastrophes.

Mais il est, sur le chemin de fer de l’Ouest, un pont, celui d’Argenteuil, où la circulation est actuellement de 106 trains par jour ; elle se doublera, dans un avenir prochain, lorsque la nouvelle ligne d’Argenteuil à Mantes avec l’embranchement de Conflans à Pontoise sera ouverte à l’exploitation. Le pont sera alors parcouru par plus de 210 trains par vingt-quatre heures. Il est difficile, en présence d’une telle circulation, d’entrevoir la possibilité de l’ouverture d’une travée mobile dans le pont à un instant quelconque.

Surélever ces différens ponts à une hauteur suffisante pour laisser au-dessous un passage libre aux navires avec leur mâture serait certainement une solution coûteuse et par elle-même et par les remaniemens et les sujétions de toutes sortes qu’elle entraînerait dans les installations et l’exploitation du chemin de fer. C’est cependant elle qui devra prévaloir.

Le parlement anglais a exigé qu’il en fût ainsi pour les cinq voies ferrées que croise le canal de Manchester, et leur passage est assuré par autant de ponts fixes d’une seule portée, situés à 23 mètres au-dessus du plan d’eau du canal. C’est une très grosse dépense, mais elle paraît inévitable. Elle serait, sans doute ici, comme elle l’est à Manchester, entièrement à la charge de la compagnie du canal.

D’une façon générale, d’ailleurs, la compagnie du chemin de fer de l’Ouest, protégée par les stipulations formelles de son cahier des charges, entend n’avoir à supporter, du fait de la construction du canal, aucuns frais de quelque nature que ce soit. En eût-elle à supporter, que, grâce aux dispositions relatives à la garantie d’intérêt, ils retomberaient à la charge du budget.

Il semble également bien difficile d’imposer purement et