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Académies dont l’Institut se compose se réunissaient en assemblée générale pour s’occuper, au milieu de toutes les douleurs de la patrie, des intérêts qu’elles ont la mission spéciale de surveiller ou de soutenir. Au lendemain du bombardement de Strasbourg, et à la veille peut-être du bombardement de Paris, c’était certes un spectacle ayant sa grandeur que celui de cette assemblée dont les membres, envisageant d’avance les événemens, ne consentaient à y compromettre que leurs personnes. Représentans de tous les travaux de la paix, ils acceptaient, en face de la guerre, l’éventualité des périls pour eux-mêmes, mais ils repoussaient avec l’ardeur d’un patriotisme indigné les menaces dirigées contre les monumens de l’art français, de nos conquêtes scientifiques, de notre histoire. Que dis-je ? En s’efforçant de préserver ces richesses nationales, ils entendaient aussi défendre la propriété de tous les peuples, et, — pour emprunter les termes mêmes de la protestation votée ce jour-là par les cent trente et un membres présens, — mettre sous la sauvegarde du droit des gens « les chefs-d’œuvre de tout genre, produits de tous les temps et de toutes les contrées que Paris renferme dans ses musées, ses bibliothèques, ses palais, ses églises. » Et les signataires de la protestation ajoutaient : « Nous répugnons à imputer aux armées de l’Allemagne… la pensée de soumettre les monumens dont la capitale de la France est remplie aux chances d’un bombardement destructeur. Si néanmoins cette pensée a été conçue, si elle doit se réaliser, nous, membres de l’Institut de France, au nom des lettres, des sciences et des arts,.. nous la signalons à la justice de l’histoire, nous la livrons par avance à la réprobation vengeresse de la postérité. »

La présidence de l’Institut appartenait, pour l’année 1870, au président de l’Académie des Beaux-Arts. C’était donc le nom de celui-ci qui figurait le premier au bas de la pièce dont nous venons de parler et dont la rédaction, décidée en principe sur la proposition de deux membres de l’Académie française, M. Dufaure et M. Legouvé, avait été confiée, séance tenante, à un membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, M. Ravaisson. D’ailleurs, sous l’empire d’un pressentiment qu’autorisait trop bien le souvenir de ce qui venait de se passer en Alsace, et que, à Paris même, l’événement allait bientôt justifier, l’Institut ne se contentait pas de tenir ce langage et d’accuser ainsi les projets probables des ennemis qui nous entouraient. Deux commissions, choisies dans son sein et composées en grande partie de membres de l’Académie des Beaux-Arts, étaient chargées de contrôler les mesures prises par les conservateurs des musées et des bibliothèques pour préserver du danger, pour lui disputer, tout au moins, les collections inappréciables contenues dans ces grands établissemens.