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compagnie d’une question délicate à résoudre, d’une ligne de conduite à adopter ; nul non plus, pour tout ce qui se rattachait à l’histoire ou aux monumens de l’art antique, n’était mieux en mesure de fournir des indications générales ou des renseignemens précis sur les points de détail. Les études auxquelles M. Beulé avait consacré sa jeunesse, les entreprises archéologiques qu’il avait conduites en Grèce et ailleurs, avec la hardiesse sagace et avec le succès que l’on sait, ses écrits, ses leçons dans la chaire d’archéologie, à la Bibliothèque nationale, — tout expliquait, tout justifiait de reste le crédit dont il jouissait auprès des membres de l’Académie. Quand la mort vint brusquement briser les liens qui les unissaient à ce conseiller si plein de ressources, à ce savant doublé d’un homme d’affaires si clairvoyant et si actif, comment, avec l’amertume de leurs regrets actuels, n’auraient-ils pas senti les conséquences que pouvait avoir une telle perte et l’incertitude de l’avenir qu’elle ouvrait pour l’Académie ?

Dix-sept années seulement se sont écoulées depuis lors. Les faits qui les ont marquées sont encore trop près de nous pour qu’il semble possible de les apprécier avec la même liberté et le même désintéressement que les faits appartenant à des époques antérieures. Il convient donc de réduire à peu près cette dernière partie de notre travail à la simple énumération des changemens survenus dans le personnel de l’Académie et à l’indication de quelques-unes des donations qui ont le plus accru les ressources dont elle dispose pour encourager les jeunes talens ou pour récompenser les talens éprouvés.

Depuis le jour où le successeur de M. Beulé entrait en fonctions (23 mai 1874) jusqu’au jour où nous sommes, l’Académie des Beaux-Arts s’est presque complètement renouvelée, puisque des quarante académiciens titulaires et des dix académiciens libres qui la composent, douze seulement ont été élus avant l’année 1874.

Le nom de M. Barye et celui de M. Henri Labrouste figurent au commencement de cette longue liste nécrologique successivement formée pendant dix-sept ans. Morts tous deux le même jour, presque à la même heure, le célèbre sculpteur et l’architecte de la Bibliothèque Sainte-Geneviève et de la Bibliothèque nationale avaient eu de leur vivant des difficultés et des préventions à peu près pareilles à vaincre avant de trouver dans les suffrages de l’Académie la consécration définitive de leurs talens ; mais pour Barye particulièrement, les épreuves avaient été rudes, surtout dans la période de l’apprentissage. Né à Paris, le 24 septembre 1796, celui qui devait devenir un des plus éminens artistes de notre époque ne fut d’abord qu’un modeste artisan. Il était entré tout enfant chez un graveur sur