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attitrés des lettres, des sciences et des arts. L’Institut, quelles qu’aient été dans les détails les modifications apportées à son organisation primitive, n’a pas au fond changé de caractère. Si au nom qu’il porte des épithètes officielles différentes ont pu, huit fois en moins d’un siècle, être successivement attachées ; s’il s’est appelé tour à tour, à mesure que les événemens politiques en décidaient, « national » de 1795 à 1807, « impérial » à trois reprises, « royal » au temps de la Restauration et sous la monarchie de juillet, pour reprendre enfin, avant comme après le second empire, la dénomination qu’il avait reçue à l’origine, il n’en a pas moins, sous ces diverses étiquettes, continué de remplir imperturbablement sa mission et de se recruter avec une indépendance digne de tous les respects.

L’Académie des Beaux-Arts particulièrement est restée de tout temps insensible ou réfractaire aux influences politiques du dehors, aussi bien qu’aux manœuvres plus ou moins habiles employées dans les salons ou dans la presse par certains prétendus représentans de l’opinion. Aussi les critiques dont l’Académie a été l’objet n’ont-elles à aucune époque porté sur ce point. On ne s’est jamais avisé, — et l’on a eu grand’raison de n’en rien faire, — d’accuser ses complaisances pour le pouvoir ; en revanche, on ne s’est pas fait faute de reproches à son adresse au sujet de ceux qu’elle jugeait bon de s’adjoindre et de ceux dont elle ne voulait pas. L’esprit de camaraderie, d’une part, de l’autre une résistance intraitable aux entreprises tentées en dehors de ses propres habitudes, aux talens formés ailleurs que dans le champ exploité par elle ou par ses adhérens, — voilà le thème passablement banal, singulièrement erroné au fond, sur lequel les détracteurs de l’Académie n’ont pas cessé de vocaliser.

Il suffirait pourtant de parcourir la liste des membres qui l’ont composée ou qui la composent pour reconnaître que l’uniformité des talens n’a jamais été pour la compagnie une condition érigée en principe. Elle a au contraire toujours tenu plus de compte de la valeur personnelle des hommes auxquels elle ouvrait ses rangs que de la similitude matérielle des travaux accomplis par eux. Dira-t-on que les noms de quelques artistes, — en bien petit nombre d’ailleurs, — qui, dans le cours du XIXe siècle, ont puissamment contribué à honorer notre école nationale ne figurent pas sur cette liste ? Il est vrai, mais cela prouve-t-il qu’ils en aient été systématiquement écartés ? N’est-ce pas, en réalité, que le temps ouïes occasions ont manqué pour qu’ils y fussent inscrits ? Si le peintre du Radeau de la Méduse, par exemple, mort à trente ans en 1824, avait vécu quelques années de plus, nul doute qu’une des places