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pendant un temps déterminé dans chaque petit centre régional, colportant avec lui son enseignement. C’est ainsi que les paysans des contrées les plus perdues de la Suède peuvent recevoir les bienfaits de l’instruction. Ils bénéficient du même coup des avantages de l’éducation physique, puisque c’est le même professeur qui leur apporte l’une et l’autre.

Telle est l’organisation de l’enseignement. Si on veut, à présent, bien comprendre l’esprit du système, il faut savoir quelles étaient les deux préoccupations dominantes de son auteur. Ling, le créateur de la gymnastique suédoise, avait été longtemps infirme, et c’est grâce à l’exercice qu’il parvint à se débarrasser d’une paralysie du bras, tourment de sa vie pendant plusieurs années. Frappé de ce résultat, il conçut le plan d’une méthode curative où les mouvemens pourraient tenir la place des médicamens. Telle est l’origine du système et tel se montre son esprit : la gymnastique suédoise a une tendance manifestement médicale. — Mais Ling n’était pas seulement un malade, c’était un ardent patriote ; il avait pris part aux guerres que soutenait son pays, et avait même contracté, pendant ces guerres, l’infirmité dont l’exercice le guérit. À ses préoccupations médicales se joignait celle de contribuer à la puissance de sa patrie, et de là, tout naturellement, le désir de faire servir à l’art militaire les études qu’il avait entreprises sur le développement physique de l’homme. Cette seconde préoccupation de Ling a laissé, aussi bien que la première, son empreinte à tout le système, et l’enseignement actuel de l’Institut porte, après plus de soixante ans, la trace manifeste de ces deux tendances assez disparates, l’une médicale et l’autre militaire. La tendance militaire ne se voit pas seulement dans les exercices spéciaux qui s’enseignent à l’Institut central en vue de former des instructeurs pour l’armée ; elle se retrouve aussi dans la gymnastique pédagogique, dans celle qui est appliquée aux plus jeunes enfans des écoles. La gymnastique scolaire est, à part le maniement d’armes, absolument la même que la gymnastique militaire. Dans les régimens d’infanterie ou d’artillerie, aussi bien que dans les équipages de la flotte, on fait exécuter aux recrues les mêmes exercices qu’aux enfans des Latin-Skol qui correspondent à nos lycées, et à ceux des Folk-Skol (écoles du peuple) qui correspondent à nos écoles primaires. Ce sont toujours des marches, des formations, des exercices d’ensemble, dans lesquels l’obéissance stricte et passive est la règle, et la recherche de la discipline le but manifeste. Toutefois, la préoccupation médicale perce toujours. Au régiment, comme à l’école, les programmes comportent une foule de mouvemens spéciaux dont l’effet est de porter remède soit à une