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défaut absolu de contrôle. La chambre tiendra sans doute compte de la façon dont le travail a été préparé, et elle regardera de près aux signatures des rapports. Ajoutons que plusieurs rapports n’ont été déposés que pour la forme, à la veille de l’interruption des séances de la chambre ; ils n’étaient pas terminés et la commission n’a pu en prendre connaissance. Ainsi, la procédure, pour une loi de cette importance, est à la fois partiale et incorrecte. Ces observations préliminaires nous conduisent à l’examen rapide des droits de douane proposés par la commission, en regard du tarif en vigueur et du projet présenté par le gouvernement.

Les animaux vivans et les bestiaux ouvrent la marche ; le cheval, l’animal le plus noble, mène le troupeau. Notre industrie chevaline est prospère ; elle exporte aujourd’hui plus de têtes qu’elle n’en importe. La commission, d’accord avec le gouvernement, maintient l’ancien droit de 30 francs, droit inutile pour la protection et nuisible pour la consommation. Chaque pays a ses races qui conviennent à un usage différent. Nos races normande et percheronne sont appréciées partout, et elles se sont créé, aux États-Unis, un marché très productif ; d’un autre côté, nous pourrions importer avec profit les chevaux du Luxembourg, de la Hongrie et du Danemark. Pourquoi une taxe de 30 francs, qui, s’ajoutant aux frais et aux risques du transport pour un cheval de 700 à 800 francs, et non pas de 1,000 à 1,500 francs, comme l’énoncent à tort les documens officiels, est une charge assez lourde ? Vendons le plus cher possible les chevaux de nos races perfectionnées et procurons-nous au plus bas prix ceux des chevaux étrangers qui nous rendent de bons services. Les industries du transport dans les villes et les agriculteurs sur les frontières auraient tout à gagner à la suppression complète de cette taxe vraiment inutile. Ne nous plaignons pas trop cependant, puisque la commission, résistant à la demande d’un droit de 40 francs par tête, s’est bornée à maintenir le droit existant. Elle a bien voulu également ménager les mulets, qui demeurent taxés, très inutilement encore, à 5 francs ; mais elle s’est rattrapée sur les poulains, qui paieront 2 francs de plus (20 fr. par tête au lieu de 18 fr.) et sur les ânes qui, accueillis jusqu’ici sur notre territoire par la franchise complète, auraient à payer désormais à la douane un droit de 3 francs. Pourquoi cette augmentation sur les poulains ? « Elle est justifiée, dit le rapport, par la valeur des animaux importés, supérieure à la moyenne sur laquelle on s’était basé pour établir le droit de 18 francs. » Cette raison n’est pas décisive. Il ne s’agit pas ici d’un droit fiscal ni d’une taxe somptuaire : ce qui importe, c’est de savoir si nos éleveurs et nos agriculteurs n’ont pas intérêt à se procurer au plus bas prix des poulains propres à être préparés, avec moins de risques, à la vente