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c’est-à-dire du peuple français tout entier, des établissemens publics et de dix mille communes forestières. » Cet argument plébiscitaire peut être contesté. Si le peuple français tout entier était appelé à voter, il signifierait probablement qu’il ne tient pas à payer plus cher les poutres employées à la construction de ses maisons ni le bois dont il se chauffe. La verve connue de l’honorable rapporteur laisserait froides les vingt-six mille communes qui n’ont pas l’avantage d’être forestières. La commission s’est laissé trop facilement convaincre. Il faut espérer que la chambre se montrera moins disposée à inaugurer, dans la législation du peuple français, le tarif des bois.

Cette taxe, appliquée aux bois bruts, entraîne nécessairement l’augmentation des droits qui frappent les bois ouvrés, et, par une conséquence également logique, les meubles, les pièces de menuiserie, et même les balais. La commission a dû se livrer à ce travail, rendu difficile par les prétentions opposées des importateurs de bois étrangers et des raboteurs français. Nous ignorons si elle a réussi à contenter ces deux intérêts, qui sont également très respectables, au moyen de droits que lui ont paru mériter les bois tendres rabotés. Remarquons, en passant, dans quels embarras on se jette lorsque l’on touche inconsidérément à l’un de ces grands produits naturels d’où dérivent tant d’autres produits. Tout se tient en pareille matière et s’enchevêtre de façon à créer une confusion inextricable. Engagée dans les bois, la commission a eu beaucoup de peine à s’en tirer. Qu’allait-elle faire dans cette forêt ! Pour le tarif des meubles, elle avait, du moins, un moyen certain de ne pas s’égarer : c’était d’examiner comment notre industrie se comporte avec les droits actuels. Chacun sait que l’industrie du meuble est dans de bonnes conditions. L’honorable rapporteur constate que les importations de l’étranger n’atteignent que le quart de nos exportations. Cependant il conclut, au nom de la commission, à des relèvemens de droits qui, pour les articles les plus importans, doublent et triplent les droits appliqués depuis 1860. Ici, ce n’est plus de la protection, c’est de la frénésie.

Les pendules, comme les montres, sont également surtaxées dans de fortes proportions, et les instrumens de musique ! Notre fabrique d’instrumens est justement renommée, on se souvient de quel éclat elle brillait à la dernière Exposition universelle. Cette industrie est prospère, elle vend au dehors une partie de ses produits. Pourquoi changer son tarif ? Que l’on augmente le droit sur les orgues de Barbarie, passe encore, et pourtant cette sévérité est peu démocratique ; mais à quel propos modifier le tarif des flageolets, des contre-basses, des clairons et des guitares ? La chambre