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développement aussi démesuré diffère bien peu d’une création ; mais, en fait de vignes de sables, tout, absolument tout, était à créer. Par suite, les 2,800 francs cités doivent être grossis de 1,700 francs employés en bâtisse d’immeubles proprement dits ou en achat d’immeubles par destination : matériel vinaire, bêtes de trait, instrumens aratoires, foudres, etc., etc.

Parmi les frais de culture s’imposent naturellement les dépenses relatives aux engrais. Sans cela, la vigne épuiserait bien vite un terrain à la vérité riche en phosphate, à cause des nombreux débris de coquilles, mêlés à la silice du sable, mais dépourvu d’humus, et par cela même, pauvre en azote et en potasse. Le débours qu’il faut renouveler au moins tous les deux ans grève le budget de près de 270 francs par hectare (somme à répartir sur deux exercices, qu’on ne l’oublie pas). Il n’est pas sans intérêt de faire observer que le fumier de ferme, en pareil cas, ne s’emploie pas exclusivement. On lui préfère les engrais chimiques. Pourquoi la règle se trouve-t-elle absolument différente de celle qui sert de base à l’entretien des souches greffées et submergées ? Il ne faut pas oublier que c’est moins à cause de la nature intime des sables, qu’à raison de leur état physique, de leur faible cohésion, que les souches plantées sur les grèves du golfe du Lion bravent le phylloxéra. Le sol, dit-on, pourrait perdre son immunité, si une application trop soutenue de fumier de ferme le transformait à la longue en créant une couche d’humus. Avec un mélange de tourteau de sésame sulfuré et de chlorure de potassium ou de sulfate de la même base, on fournit à la plante les trois élémens dont elle a besoin : azote, acide phosphorique supplémentaire et potasse. Au lieu d’une amélioration progressive, le viticulteur s’applique à produire une surexcitation de courte durée, mais qui atteint parfaitement son but.

Il faut bien admettre, en effet, et dans une large mesure, que le propriétaire de vignoble de sables serait imprudent de trop escompter l’avenir. Autrefois, il a planté et cultive encore aujourd’hui dans des conditions onéreuses et pourrait se trouver fort embarrassé, si le prix des vins, suffisamment élevé à l’heure actuelle pour le récompenser amplement de ses avances, venait à baisser au-delà d’un certain taux[1]. Sans être exempt d’aucun des fléaux, nouveaux ou anciens, qui assaillent tour à tour le précieux végétal, il doit lutter sans relâche contre un ennemi redoutable : le « salant. » Une année de forte sécheresse et d’extrême chaleur

  1. En 1890, les vins rouges produits par les sables n’ont pesé que 8 degrés d’alcool et néanmoins ils ont trouvé acquéreur à 93 francs et davantage.