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IV

Ce que l’histoire nous fait soupçonner, l’anthropologie et l’étude de l’homme vivant le confirment. La race juive n’est pas pure : tous les juifs ne peuvent être considérés comme des Sémites, pas plus que tous les chrétiens n’ont droit à se dire Aryens. Et d’abord, qu’entendons-nous par type sémitique ? Pour nous le faire toucher des yeux, on nous renvoie parfois aux Chaldéens et aux bas-reliefs de Ninive ; je connais, il est vrai, des juifs qu’on croirait détachés des murailles du palais de Khorsabad ; mais c’est le petit nombre. Le type sémitique, pour ceux qui en mènent le plus de bruit, n’est, d’habitude, que le type juif ; et le type juif lui-même n’a pas autant d’unité, ou de fixité, qu’on l’imagine souvent. La preuve en est que, pour qu’on ne pût les confondre avec eux, chrétiens et musulmans ont, durant des siècles, imposé aux juifs des signes distinctifs. Aujourd’hui même, c’est une question de savoir s’il y a un type juif, ou s’il n’y en a pas plusieurs. J’incline à croire, quant à moi, qu’il y a un type juif dominant, que l’on peut, si l’on veut, appeler type sémitique. Rembrandt nous en a laissé, à l’Hermitage, d’admirables études[1]. Le visage long, et le plus souvent ovale, le front étroit, les sourcils arrondis et relevés, les yeux parfois clignotans et les paupières lourdes, comme à demi fermées, le nez long, busqué et serré à la base, les lèvres minces, le menton plutôt fuyant, tel est, me semble-t-il, le type classique du juif. Mais force nous est de reconnaître que tous les juifs ne s’y laissent pas ramener. On ne retrouve même point, chez tous, le trait caractéristique d’Israël, le trait sémitique, s’il en est un : le nez recourbé. Il y a, parmi eux, plusieurs types secondaires ou sous-types qui attestent des croisemens divers. C’est ainsi qu’on peut souvent, à première vue, distinguer les juifs des différens pays. Il faut, d’abord, mettre à part certains groupes d’israélites qui n’ont peut-être pas dans les veines une goutte de sang hébreu. Tels, les juifs noirs d’Abyssinie, les 200,000 Falachas, manifestement de sang africain. En certaines contrées, vivent même côte à côte, sans se confondre, des juifs dont la diversité d’origine est indiquée par la couleur de la peau. On signale ainsi, à Bombay, trois sortes de juifs : des blancs, semblables à ceux du Levant ; — des bruns, à peau foncée, appelés du

  1. On peut rapprocher des portraits de Rembrandt, empruntés aux Séphardim ou juifs portugais d’Amsterdam, les juifs du peintre hongrois Munkacsy dans sa grande toile : le Christ devant Pilote. Voyez aussi les Contes juifs de Sacher-Masoch, dont les illustrations ont toutes été exécutées par des artistes israélites. On remarquera qu’en voulant accentuer les traits de la race, les dessinateurs sont parfois tombes dans la caricature (Paris, 1888 ; Quantin).