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infecter. D’une observance salutaire, l’ignorance et la routine ont, parfois, fait une cérémonie repoussante. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Le bénéfice de toutes ces prescriptions hygiéniques n’a pas été entièrement perdu pour la race. En dépit de leur saleté extérieure, souvent voulue et forcée, le juif et la juive ont longtemps, pour la propreté personnelle, été supérieurs aux chrétiens, riches ou pauvres. Il ne faut pas oublier, du reste, que, pendant des générations, le juif n’a eu de sécurité qu’à la condition de paraître sordide et misérable ; la saleté, comme la pauvreté, était, pour lui, un moyen de défense, de même que, à certains animaux, leur laideur. La force de résistance du juif à la malpropreté, à la fétidité, dans laquelle il était contraint de vivre, lui est venue, pour une bonne part, de ses fastidieuses et parfois répugnantes observances.

La Loi a fait d’Israël une race pure, en même temps qu’une race chaste ; partant, à travers toutes ses souffrances, il est resté une race saine. L’insuffisance de sa nourriture et l’air empesté du ghetto ont pu affaiblir ses muscles ; sa chair n’a pas été rongée par les ignobles pratiques de l’Orient. Le vice honteux de l’Aryen, grec ou romain, ou du Sémite, arabe ou syrien, n’a pas corrompu dans sa source le sang de Juda. Si, en quelques pays, la pauvreté ou la cupidité poussent ses filles à la débauche publique, c’est là une plaie récente, et les membres d’Israël n’en ont pas été contaminés. Il a eu beau, en Orient surtout, abuser des mariages précoces, unissant des garçons de quatorze ou quinze ans à des filles de douze ou treize ans, le respect du mariage, la chasteté de la vie conjugale et la pureté de la vie de famille, la discipline des mœurs, en un mot, a fortifié le juif et renforcé la race. Et ce que nous avons dit des purifications et lustrations de la loi est peut-être plus certain encore des prescriptions concernant la nourriture, de la viande hacher notamment. On prétend que le juif possède des immunités vis-à-vis de certaines maladies ; si cela est vrai, le juif le doit surtout, — nous le verrons, — à ses observances, à sa loi.

Israël est-il, comme on l’a dit, le produit d’une tradition, ce n’est pas uniquement d’une tradition spirituelle, c’est autant, et davantage peut-être, d’une tradition hygiénique et prophylactique. Par là aussi, sous l’action lente des siècles, Israël a tendu à devenir, ou à redevenir une race. Quand on parle du juif, on a le droit de tenir compte de l’hérédité et des influences, physiques ou morales, accumulées durant des générations. Il eût suffi de nos lois restrictives et de ses lois religieuses pour que l’israélite, le Sémite métissé d’Aryen et mâtiné de Touranien, devînt de plus en plus différent de ses voisins d’autre religion. Alors même qu’il était leur parent par le sang, il perdait le sentiment de cette parenté. Israël était ramené, bon gré mal gré, à former un peuple, une tribu.