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Castelar lui-même, quoique le plus modéré, s’est laissé séduire ! Ils se sont tous décidés à se coaliser, à concerter les candidatures et à marcher ensemble aux élections municipales. Ils comptent ainsi réussir dans les grandes villes, dans les centres ouvriers, dans les provinces les plus accessibles aux influences révolutionnaires comme l’Andalousie ou la Catalogne. Le fait est que, si leur tactique réussissait, ce ne serait pas sans gravité, non-seulement parce que des municipalités républicaines pourraient en certains cas être un danger, mais encore parce qu’en Espagne comme en France, les conseils locaux choisissent les délégués qui à leur tour nomment une partie du sénat.

C’est la nouvelle campagne engagée aujourd’hui et à laquelle le ministère de Madrid est obligé de faire face. Sans doute, si les partis monarchiques de diverses nuances, libéraux et conservateurs s’entendaient à leur tour pour opposer coalition à coalition, ils seraient probablement assurés du succès dans la plus grande partie de l’Espagne. Malheureusement, M. Sagasta, sans accepter une connivence compromettante avec les républicains, ne paraît pas disposé à s’allier avec les conservateurs. Le ministère de Madrid reste donc seul avec ses amis dans les élections prochaines qui, par une complication de plus, doivent se faire dans quelques jours, presque au lendemain des manifestations qui se préparent un peu partout, au-delà des Pyrénées comme dans la plupart des régions de l’Europe, pour le 1er mai. Le ministre de l’intérieur, M. Silvela, l’habile collègue du président du conseil, a sa bataille à livrer et pour sauvegarder l’ordre public s’il venait à être troublé et pour déjouer, s’il le peut, les combinaisons électorales des républicains. A vrai dire, le gouvernement ne paraît pas disposé à se laisser surprendre. Il a le sentiment de la situation assez compliquée que lui font les circonstances, et pour tenir tête à l’orage, le chef du cabinet de la régence espagnole ne compte pas uniquement sur les moyens de répression dont un gouvernement peut toujours disposer ; il a pris d’avance position dans les graves conflits du temps ; il oppose aux propagandes révolutionnaires toute une politique qu’il a exposée récemment encore devant le sénat de Madrid, qui est faite pour avoir peut-être son influence sur une partie des populations ouvrières.

M. Canovas del Castillo, tout conservateur qu’il soit et qu’il prétende rester, est visiblement un de ces hommes à l’esprit libre et ouvert qui ne reculent ni devant les initiatives hardies, ni devant la nécessité des concessions à la force des choses. Il s’est déclaré nettement résolu à ne permettre aucune manifestation tumultueuse, à réprimer tout ce qui serait mouvement anarchiste et révolutionnaire ; mais en même temps il a développé avec autant d’éclat que de science tout un programme de réformes sociales qui touchent à tous les problèmes du moment. Il a annoncé une série de lois sur le repos du dimanche, sur le travail des femmes et des enfans, sur le régime des industries