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police locale avaient échoué, quand elle réussit enfin à mettre la main sur deux de ces coquins ; mais la colère des citoyens (the incemed citizens) ne permit pas à la justice régulière de suivre son cours. Il faut dire que, dans la même semaine, des inconnus avaient blessé mortellement un nommé Mac-Pherson, dont la grange fut livrée aux flammes, et tiré plusieurs coups de fusil sur le docteur Philips, sans l’atteindre. Une escouade d’agens, conduite par le shérif, se mit en embuscade non loin du quartier-général et parvint à saisir un nègre nommé Champion, un blanc nommé Mike Kelly, qui passait pour être le chef des aventuriers. Comme on ramenait ce dangereux personnage à Gainesville, une foule indignée, qui paraît s’être portée à sa rencontre, résolut de le lyncher sans autre délai. Quelques hommes d’action passèrent un nœud coulant autour de sa tête, accrochèrent à l’arbre voisin l’autre bout de la corde. Quand le shérif réclama le prisonnier, une bataille fut imminente ; par bonheur, ajoutent les témoins, les fusils ne partirent pas. Le peuple ne tarda pas à prendre sa revanche. A minuit, un certain nombre d’hommes masqués se rendirent à la prison, s’emparèrent du directeur et des gardiens, les enfermèrent soigneusement dans des cellules, ouvrirent celles des outlaws, conduisirent ces misérables dans un lieu voisin et les informèrent charitablement qu’ils avaient vingt minutes pour recommander leur âme à Dieu. Ceux-ci furent pendus à l’expiration de ce délai. Le récit se termine par la phrase suivante : « La foule était si compacte qu’il fut impossible de reconnaître un seul de ceux qui participaient à cette exécution sommaire. »

23 février. — La scène se passe au village de Salina, dans le Colorado. Le conducteur de train J. Sullivan avait aperçu le nommé Riley volant du charbon. Il était allé droit au voleur : celui-ci l’avait tué net en lui logeant une balle dans la tête. Quelques personnes accoururent, poursuivirent et prirent le meurtrier. La prompte arrivée des autorités locales empêcha seule Riley d’être immédiatement lynché. Mais on décida d’attaquer la prison dès que la nuit serait venue. Vers huit heures du soir, une foule compacte et bien armée se présente, en effet, à la maison d’arrêt et réclame le prisonnier. Les gardiens refusent ; la foule (mob) tire des coups de feu, les autres ripostent et blessent deux des assaillans. La foule paraît se calmer et se retire, mais pour quelques momens, et revient plus nombreuse, plus acharnée, cerne le bâtiment, engage un combat à coups de couteau et de revolver avec le personnel de la prison, blesse mortellement un des gardiens, met les autres en état d’arrestation et s’empare de Riley qui, dans la bagarre, avait reçu lui-même une blessure. Extrait de sa cellule, ce malheureux est traîné par les rues, la corde au cou, jusqu’à la voie ferrée : la