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l’irresponsabilité. N’ayant pas reçu de réponse satisfaisante, il enjoignit au baron Fava, son ministre, de quitter l’Amérique en laissant à Washington un simple chargé d’affaires, M. Imperiali, pour l’expédition de la besogne courante, et celui-ci reçut l’ordre de déclarer à M. Blaine que l’incident diplomatique ne serait pas clos tant qu’un commencement de poursuites n’aurait pas été exercé contre les coupables. Après avoir fait remarquer que la cause de l’Italie était celle de tous les peuples, le président du conseil dit en terminant que, s’il était impossible d’obtenir une solution favorable, de graves complications ne seraient pourtant pas à craindre ; mais le gouvernement du roi devrait déplorer que les États-Unis, si avancés dans la civilisation, méconnussent absolument des principes de droit et de justice universellement proclamés et scrupuleusement observés en Europe.

L’attitude et les déterminations du gouvernement italien furent jugés sévèrement aux États-Unis. On y éprouva même ou du moins on feignit d’éprouver une très grande surprise La presse américaine accusa d’abord le marquis di Rudini d’avoir cherché tout simplement dans l’incident de la Nouvelle-Orléans un moyen de populariser et de consolider son ministère. Le Morning News (Delaware) ne pouvait attribuer l’étrange rappel de M. Fava qu’à sa disgrâce, motivée par des bévues diplomatiques. Le Post (Indiana) déclarait la mesure à la fois agressive et folle (both foolish and offensive). L’American, de Baltimore, écrivait que l’Italie avait « insulté » les États-Unis par ce rappel et que, si elle croyait avancer ses affaires en prenant une posture menaçante, c’était pure extravagance. Le Sun faisait dire au comte Marizzi, consul général du gouvernement royal à San-Francisco, que, si « le baron Fava était décidément rappelé, le monde entier pourrait reprocher à l’Italie de n’avoir pas avancé d’un pas depuis le XIVe siècle. » Le Herald imprimait que le roi Humbert ou son premier ministre devaient être dans une situation bien fâcheuse pour prendre avec une telle hâte des résolutions aussi peu raisonnables, et n’avaient pas trouvé, sans doute, d’autre expédient pour sortir de leurs embarras intérieurs. On n’adresse des propositions semblables à celles de M. di Rudini, s’écriait l’Evening Post, qu’à des gouvernemens semi-barbares (semi barbarous) tels que la Chine, la Turquie ( ! ) ou la Russie ( ! ). Bref, d’après la grande majorité de ces journaux, tous les torts étaient du côté de l’Italie. Simples spectateurs, nous avons tout le sang-froid nécessaire pour apprécier avec impartialité les griefs et les récriminations, les demandes et les réponses.

Ce qu’on oppose d’abord au gouvernement italien, c’est