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conducteur approuve et ratifie le fait de ses sujets, elle en fait sa propre affaire : l’offensé doit alors regarder la nation comme le véritable auteur de l’injure. » Le sens commun veut qu’il en soit ainsi. Quels négociateurs oseraient donc stipuler dans un traité que leurs nationaux ne seront pas exécutés sans forme de procès par des aventuriers sur le territoire d’une des hautes parties contractantes ; que les autorités locales seront astreintes soit à ne pas tolérer des exécutions semblables, soit à ne pas les approuver après les avoir tolérées ? A défaut de ces clauses, que l’une ou l’autre partie aurait rougi de proposer et dont l’insertion n’était pas possible, le devoir élémentaire des nations subsiste, parce qu’il est inhérent à la nature des choses.

S’il en est ainsi, la « loi des nations » est en cause, et personne ne peut accuser l’Italie d’avoir franchi le cercle tracé par le droit des gens en dénonçant les meurtres du 14 mars. Mais la dépêche diplomatique du 14 avril fait immédiatement observer que ces devoirs mutuels des peuples envers les peuples sont limités par un principe incontesté de droit international. Après avoir garanti la protection des personnes et des propriétés aux citoyens de chacune des hautes parties contractantes, le traité de 1871 ajoute : « Ils jouiront à cet égard des mêmes droits et privilèges qui sont ou seront accordés aux nationaux, » et cette seconde règle dominerait la première. « De quoi l’Italie peut-elle se plaindre, ajoute M. Blaine, alors que nous ne faisons aucune différence entre les Italiens et nos nationaux ? » Le prince de Schwarzenberg a dit, en effet, le 14 avril 1850, dans une note mémorable : « Quelque disposées que puissent être les nations civilisées d’Europe à étendre les limites du droit de protection, elles ne le seraient jamais au point d’accorder aux étrangers des privilèges que les lois territoriales ne garantissent pas aux nationaux, » et l’on admet universellement que les étrangers ne peuvent pas obtenir une position privilégiée. Tel est aussi notre avis, mais il est très douteux qu’on puisse vider, à l’aide de cette maxime internationale, le conflit diplomatique provoqué par les événemens de la Nouvelle-Orléans. Il suffit de lire avec quelque attention la note autrichienne. Est-ce que les Italiens réclament un privilège refusé par la loi territoriale aux nationaux ? En aucune manière : ils se plaignent de ce qu’on ne leur a pas appliqué cette loi territoriale. Ils n’auraient pas un mot à dire si Parkerson et ses complices avaient procédé conformément aux lois : les hommes que l’esprit mercantile attire dans d’autres pays, leur répondrait-on, affrontent les périls auxquels les expose la législation de ces pays ; ils sont censés la connaître, et, quels qu’en soient les inconvéniens, doivent les subir. Mais nous avons établi plus haut que la pratique des exécutions sommaires était en