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contradiction formelle avec les principes du droit anglo-saxon et les textes de la législation anglo-américaine. Peut-on soutenir que les prisonniers exécutés le 14 mars l’aient été légalement, abstraction faite de leur nationalité ? Non, sans doute. Cela suffit d’abord au gouvernement italien.

Non pas, d’après le gouvernement fédéral. Les victimes ou leurs familles n’ont pas le droit de provoquer l’intervention de leur pays, puisque les tribunaux leur sont ouverts. S’il en était autrement, elles exerceraient un mode de recours qui n’appartient pas aux nationaux, et, par conséquent, l’égalité serait rompue.

C’est ici qu’il importe d’examiner les divers modes de recours offerts par la constitution de l’Union américaine aux personnes lésées par les exécutions sommaires de la Nouvelle-Orléans. Il est d’abord aisé d’établir que, si la loi des nations est en cause, si l’offense prend un caractère international, les lois constitutionnelles elles-mêmes, dictées par la force des choses, ouvrent aux victimes des voies de recours particulières. La constitution dit, en effet (art. 1er, sect. VIII, § 10) : « Le congrès aura le pouvoir de définir et de punir les offenses contre la loi des nations. » Elle attribue, en outre, au congrès (ib., § 18) le droit « de faire toutes les lois nécessaires et convenables pour mettre à exécution les pouvoirs ci-dessus et tous autres dont elle a investi le gouvernement des États-Unis ou une de ses branches. » C’est ainsi que les lois de 1833, de 1842 et de 1867 permettent au pouvoir judiciaire fédéral d’accorder le writ of habeas corpus aux étrangers, quand on peut invoquer dans leur intérêt une règle de droit des gens. En outre, tout lynchage, toute exécution sommaire semblable à celle du 14 mars viole ouvertement le 6e article additionnel de la constitution, ainsi conçu : « Dans toute procédure criminelle, l’accusé jouira du droit d’être jugé promptement et publiquement par un jury impartial de l’état et du district dans lequel le crime aura été commis. » Il appartient à l’attorney general, nommé par le président de la république avec l’agrément du sénat, conseiller légal du gouvernement, chargé de pourvoir à la défense des intérêts généraux, dont les pouvoirs ont été développés par l’acte du 22 juin 1870, de prendre des mesures pour que ces diverses dispositions de l’acte constitutionnel soient respectées. Il peut et doit enjoindre aux district attorneys de l’Union placés, sous ses ordres, près les cours de district fédérales[1], de poursuivre devant chacune d’elles les auteurs de tous les crimes commis au mépris de ces lois, et, par

  1. D’après les derniers documens que j’ai consultés, les États-Unis sont divisés en soixante-deux districts judiciaires ; mais le nombre de ces districts s’accroît au fur et à mesure des besoins de la justice.