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merveilleux et encore mal exploré. Selon MM. Gurney et Myers, beaucoup de personnes ont éprouvé des impressions de diverses sortes représentant une personne éloignée qui, au même moment, était ou mourante ou en proie à quelque grande émotion. Les plus frappantes de ces impressions, recueillies par une minutieuse enquête, consistaient dans la vision de la personne absente ou dans l’audition de sa voix : c’étaient de véritables hallucinations de la vue ou de l’ouïe, mais des hallucinations « véridiques. » Les faits cités par M. Gurney sont très nombreux ; beaucoup sont peu significatifs, plusieurs sont frappans. M. Gurney en conclut la possibilité d’une communication à distance, dans des circonstances exceptionnelles, entre des personnes qui sont reliées par les liens de l’affection. Cette sympathie à distance est la vraie télépathie. Elle ne produit pas toujours des hallucinations complètes ; parfois, c’est seulement l’idée de la mort d’une personne aimée qui surgit tout d’un coup dans l’esprit, sans aucune apparition sensible de cette personne. M. Gurney explique la chose par ce fait que le mourant a lui-même l’idée de sa propre mort et que la sympathie à distance fait se reproduire cette idée dans le cerveau de la personne qui l’aime. Ce serait un phénomène d’induction nerveuse analogue à ceux de l’induction électrique.

Mme Severn se réveille en sursaut, sentant qu’elle a reçu un coup violent sur la bouche. Au même moment son mari, qui naviguait sur un lac, avait reçu sur la bouche un coup violent de la barre du gouvernail. Une sensation semble ici transmise comme par une sympathie à distance. Dans d’autres cas, c’est une vision qui est transmise. Mme Bettany se promenait dans la campagne en lisant ; tout d’un coup, elle a la vision de sa mère étendue dans son lit et mourante ; elle va chercher un médecin, le ramène, et trouve sa mère telle qu’elle l’avait aperçue dans sa vision. Ici, ce n’est pas la sensation de défaillance qui est transmise, mais la vision de la mère défaillante. Mme C… était à l’église : « Quelqu’un m’appelle, s’écrie-t-elle tout d’un coup, il y a quelque chose. » Le lendemain, on l’appelait au lit de mort de son mari, qui était dans une autre ville.

Deux frères qui s’aimaient beaucoup habitaient l’un l’Amérique, l’autre l’Angleterre. L’un d’eux, qui n’avait aucune raison d’inquiétude sur son frère, le voit assis sur son lit, l’air triste. Frappé de cette vision, il regarde l’heure (en bon Anglais) ; il écrit en Amérique, et apprend que son frère était mort au moment où il l’avait vu apparaître.

Il y aurait parfois, selon M. Gurney, des apparitions volontaires. Deux étudians de l’école navale d’ingénieurs à Portsmouth avaient l’habitude de se livrer à des séances d’hypnotisme. L’un d’eux, avant d’être hypnotisé par l’autre, prit la résolution d’apparaître