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de dimanche ou de fête[1], manger de la viande le vendredi ou le samedi sans nécessité, » ne point se confesser et communier à Pâques est un péché mortel, qui « fait perdre la grâce de Dieu et mérite une peine éternelle, » aussi bien que « tuer, dérober quelque chose de considérable. » Pour tous ces crimes, irrémissibles en eux-mêmes, il n’y a qu’un pardon, l’absolution donnée par le prêtre, c’est-à-dire, au préalable, la confession, elle-même une des observances auxquelles nous sommes astreints par une obligation stricte et à tout le moins une fois l’an.

Par cet office, le prêtre catholique monte au dessus de la condition humaine et à une hauteur incommensurable ; car, au confessionnal, il exerce le pouvoir suprême, celui que Dieu exercera au jugement dernier, le formidable pouvoir de retenir ou de remettre les péchés, de condamner ou d’absoudre et, s’il intervient au lit de mort, la faculté d’envoyer l’âme impénitente ou repentante dans l’éternité des récompenses ou dans l’éternité des châtimens[2]. Aucune créature, terrestre ou céleste, non pas même les premiers des archanges, saint Joseph ou la Vierge[3], n’a cette prérogative véritablement divine. Seul, il la possède, par une délégation exclusive, en vertu d’un sacrement spécial, l’ordre, qui lui donne le privilège d’en conférer cinq autres et qui le marque pour toute sa vie d’un caractère à part, ineffaçable, surnaturel. — Pour s’en rendre digne, il a fait vœu de chasteté, il entreprend d’abolir dans sa chair et dans son cœur les conséquences du sexe, il s’est interdit le mariage et la paternité, il échappe par l’isolement aux influences, aux curiosités et aux indiscrétions de la famille, il n’appartient plus qu’à son office. Il s’y est préparé longuement, il a étudié la théologie morale et la casuistique, il est criminaliste ; et sa sentence n’est pas un pardon vague jeté sur les pénitens, après qu’ils ont avoué en termes généraux qu’ils sont pécheurs. Il est tenu d’apprécier la gravité de leurs fautes et la force de leur repentir, de connaître les faits et le détail de la chute et le nombre des rechutes, les circonstances aggravantes ou atténuantes, partant,

  1. Bossuet, Ibid., Catéchisme de Meaux, VI, 140 à 142.
  2. Manrèze du prêtre, par le père Caussette, I, 37. « Voyez-vous ce jeune homme de vingt-cinq ans, qui va bientôt traverser le sanctuaire pour aller trouver des pécheurs qui l’attendent ? C’est ce Dieu de cette terre qui le purifie… Si Jésus-Christ descendait dans un confessionnal, il dirait : Ego te absolvo. Celui-ci va dire avec la même autorité : Ego te absolvo. Or c’est un acte de la puissance suprême ; il est plus grand, dit saint Augustin, que la création du ciel et de la terre. » — W. Allies, Journal d’un voyage en France, 1845, p. 97. « La confession est la chaîne qui lie toute la vie chrétienne. »
  3. Manrèze du prêtre, I, 30. « Sans doute, la mère de Dieu a plus de crédit que vous, mais elle a moins d’autorité. Sans doute, elle accorde des grâces, mais elle n’a pas donné une seule absolution. »