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1871, le meurtre de l’archevêque et des autres otages ecclésiastiques. Pendant les deux années qui ont suivi 1830, un prêtre en soutane n’osait point paraître en public[1] ; il courait risque d’être insulté dans la rue ; depuis 1871, la majorité des électeurs parisiens, par l’entremise d’un conseil municipal qu’elle élit et réélit, persiste à chasser des hôpitaux et des écoles les religieux et les religieuses, afin de mettre à leur place des laïques et de payer deux fois plus cher un service moins bon[2]. — Au commencement, l’antipathie ne s’attachait qu’au clergé ; par contagion, elle s’est étendue jusqu’à la doctrine, à la foi, au catholicisme tout entier, au christianisme lui-même. Sous la Restauration, on disait, en style de polémique, le parti prêtre, et, sous le second empire, les cléricaux ; par suite, en face de l’Église et sous le nom opposé, les adversaires ont formé la ligue anticléricale, sorte d’Église négative qui a ou qui tâche d’avoir, elle aussi, ses dogmes, ses rites, ses assemblées, sa discipline : faute de mieux, et, en attendant, elle a son fanatisme, celui de l’aversion ; sur un mot d’ordre, elle marche en corps contre l’autre, son ennemie, et manifeste, sinon sa croyance, du moins son incroyance, en refusant ou en évitant le ministère du prêtre. A Paris, sur 100 convois mortuaires, 20, purement civils, ne sont pas présentés à l’Église ; sur 100 mariages, 25, purement civils, ne sont pas bénis par l’Église ; sur 100 enfans, 24 ne sont pas baptisés[3].

Et, de Paris à la province, l’exemple et le sentiment se propagent. Depuis seize années, dans nos parlemens élus par le suffrage universel, la majorité maintient au pouvoir le parti qui fait la guerre à l’Église, qui, par système et principe, est et demeure hostile à la religion catholique, qui lui-même a sa religion pour laquelle

  1. Th.-W. Allies, Journal, etc., p. 240. (2 août 1848, conversation avec l’abbé Petitot) : « En 1830, les prêtres furent pendant deux années obligés de renoncer à porter publiquement leur costume, et ils ne recouvrèrent leur popularité qu’en se dévouant aux malades à l’époque du choléra. » — En 1848, ils avaient regagné le respect et la sympathie ; le peuple venait les chercher pour bénir les arbres de la liberté. — L’abbé Petitot ajoute : « l’Église gagne tous les jours du terrain, mais bien plus dans les rangs élevés que dans les classes inférieures. »
  2. Emile Keller, les Congrégations, etc., p. 362 (avec chiffres à l’appui pour les écoles). — Débats du 27 avril 1890 (avec chiffres à l’appui pour les hôpitaux. Dans les dix-huit hôpitaux laïcisés, l’augmentation des décès est de 4 pour 100).
  3. Fournier de Flaix, Journal de la Société de statistique, numéro de sept. 1890, p. 260. (D’après les registres de l’archevêché de Paris.) — Compte-rendu des opérations du conseil d’administration des pompes funèbres à Paris (1889) : convois purement civils, en 1882, 19,33 pour 100 ; en 1884, 21.37 pour 100 ; en 1888, 19.04 pour 100 ; en 1889, 18.63 pour 100. — Atlas de statistique municipale. (Débats du 10 juillet 1890) : « Plus un arrondissement est pauvre, plus il présente d’enterremens civils ; la palme appartient à Ménilmontant, où plus du tiers des enterremens sont purement civils. »