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Tout est rapporté à la proposition : les mots n’existent point par eux-mêmes ; ils sont régis par quelque autre mot et à leur tour ils en régissent un autre. Il y a là un effort d’analyse qui n’est pas sans valeur, mais qui, pratiqué avec excès, donne à l’étude du langage des dehors trop scolastiques.

Il y aurait pourtant quelque chose à apprendre du moyen âge. Malgré l’étrangeté des doctrines et des livres, malgré la barbarie des locutions, le latin se transmettait dans des conditions plus naturelles qu’aujourd’hui. Il servait à l’expression de toutes les idées, qu’elles lussent élevées ou familières, grandes ou petites : c’était une langue qu’on apprenait, avec l’intention, non de s’en faire seulement une parure dans les grandes circonstances, mais d’être prêt à s’en servir à tout moment. De là, dans les écoles, quelque chose de plus vivant et de plus libre. On n’apprend vraiment une langue qu’à cette condition. Nos maîtres, très attentifs à la pureté des expressions, très occupés de comparer le latin au français pour en montrer les différences, enchaînent l’écolier dès la première heure par la peur des fautes qu’il peut commettre. Il est possible que par cette méthode on développe chez lui la faculté de l’attention et de la réflexion : mais ce n’est pas le moyen de lui donner l’instinct et le sentiment de la langue. On sait des règles, mais on n’a de facilité ni pour écrire, ni pour lire. Le public, qui juge des choses sur les apparences, et pour qui le profit intellectuel reste lettre close, finit par se demander si c’est la peine d’employer tant d’années pour un résultat qui ne se voit pas. Outre les règles, ce que nos élèves savent du latin, ce sont surtout les élégances. Mais il n’y a pas de vraie élégance sans le naturel et sans la solidité. En se bornant à une certaine somme d’expressions choisies, on se réduit à un trop mince bagage. Une méthode plus pratique et moins timorée, voilà ce que, — Toutes réserves faites contre la barbarie et contre le néologisme, — nous pourrions encore emprunter utilement aux contemporains de Pierre Hélie et de Jean de Garlande.


II.

La renaissance, — la seconde des périodes que nous avons distinguées, — prend le contre-pied du moyen âge, pour lequel elle n’a pas assez de dédain et de railleries. En philosophie, en théologie, en jurisprudence, en littérature, elle repousse tout ce que le moyen âge avait estimé et aimé. Il n’est donc pas étonnant que sur le point qui nous occupe elle ait également suivi des voies différentes. Ayant retrouvé la vraie antiquité, l’antiquité grecque en même temps que la latine, elle ne veut plus connaître autre chose. Elle est saturée de gloses et de manuels. Facessant, dit Mélanchthon, jam