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Chine... La reine est attachée à un être inerte. » — Dans la campagne qu’il entreprenait avec de si pauvres alliés, Mirabeau donnait encore plus qu’il ne recevait. Les derniers efforts qu’il fit à l’assemblée témoignent d’un courage très supérieur à celui de la cour. Au milieu de l’émotion causée par le départ de Mesdames tantes du roi, il osa réclamer pour elles le droit de quitter le royaume. Il exposa cette popularité à laquelle on l’accusait d’être si attaché, en combattant la loi sur les émigrans, en annonçant même que, si on la votait, il n’y obéirait pas. Ce fut lui aussi qui, en face de l’émeute, rédigea au nom du Directoire dont il avait été élu membre et fit afficher sur les murs de Paris une proclamation énergique : — « Les auteurs des troubles, y disait-il courageusement, déshonorent souvent la liberté, car la liberté ne consiste point à ne reconnaître aucune autorité ; elle consiste à n’obéir qu’à la loi constitutionnellement faite... On reconnaît un peuple, qui, l’ayant conquise, est digne de la conserver à la tranquillité intérieure, à la confiance qu’il a dans ses chefs, à la sécurité avec laquelle chacun se livre à son industrie, enfin à la prospérité générale qui est toujours l’ouvrage des bonnes lois. » — Enfin, il faut citer, parmi les dernières paroles que Mirabeau prononça, une déclaration formelle d’attachement à la monarchie. Un mois avant sa mort, il disait résolument en pleine assemblée : — « Notre serment de fidélité au roi est dans la constitution, il est constitutionnel... Je dis qu’il est profondément injurieux de mettre en doute notre respect pour ce serment. »


VIII.

En admettant qu’il eût obtenu de la cour un appui plus énergique, aurait-il réussi à sauver la monarchie et la liberté ? Nous aurait-il préservés de cette succession de dictatures sanglantes et de gouvernemens sans caractère qui, en fatiguant le pays, l’ont jeté, pour notre malheur, entre les bras d’un général victorieux ? Nul ne le sait. Quel dommage que la mort ait détruit sitôt, si brusquement, une organisation si puissante! Assurément, il est difficile de supposer qu’un homme tout seul aurait changé le cours de la révolution. Mais quel homme que celui-là, combien supérieur à tous les autres ! Comme il domine de haut ceux qui lui ont succédé ! Pour trouver son égal, il faut aller jusqu’à Bonaparte. S’ils s’étaient rencontrés, lequel des deux aurait supprimé l’autre? Dans quel duel terrible se seraient engagés ces deux représentans des races du Midi, tous deux si dépourvus de moralité, si indifférens au bien et au mal, si rapprochés par leur origine commune des enseignemens de Machiavel !

Comparé à Mirabeau, Bonaparte a un immense avantage, la supériorité