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compris les actes de barbarie au nombre des délits conférant à la police le pouvoir de pénétrer, en vertu d’un mandat, dans une maison habitée. Actuellement, la justice traque les bêtes fauves jusque dans leurs tanières. Accompagné d’un médecin, le magistrat enquêteur requiert, au nom de la loi, l’ouverture des portes, constate les faits que la rumeur publique ou l’indignation des voisins ont portés à sa connaissance, adresse un rapport à l’autorité supérieure. Enfin, et ce n’est pas la moins sérieuse des améliorations apportées à l’ancien état de choses, le droit que possédait seule la cour de Chancery, de déposséder les tuteurs indignes et de leur retirer la gestion des biens des mineurs, a été accordé aux simples tribunaux de police, désormais investis, en faveur du pauvre, de ces utiles attributions. Des parens sont-ils convaincus de corriger d’une main trop lourde l’être jeune qui vit avec eux, celui-ci peut leur être enlevé, confié aux soins d’un ami de la famille qui reçoit, dès lors, du père et de la mère, la somme fixée par le magistrat pour l’entretien et l’éducation de l’enfant. Ce sont là des bienfaits considérables, et on peut affirmer que la loi d’août 1889 a été le point de départ d’une ère nouvelle en ce qui concerne le sort et la condition de l’enfance en Angleterre. L’esprit public (nous ne parlons, bien entendu, que des classes inférieures) ne s’en accommode pas encore. Les jurys auraient besoin d’être instruits et moralises. Ils hésitent, dans bien des cas, à froisser le sentiment général du district où ils siègent, à aller à l’encontre de cette notion grossière et primitive qu’un homme a le droit de traiter les siens comme il le juge à propos.

Ces précautions, ce souci de défendre l’enfance contre ses ennemis, il était temps que le parlement britannique les prît et s’en inspirât. Si minutieuses que soient les prescriptions de la loi de 1889, elles n’arrêtent pas toujours le bras des pères barbares, loin qu’elles préviennent un mal plus sérieux encore. Il existe en Angleterre des gens dont c’est le métier de trafiquer des jeunes existences. Associés à des individus sans scrupules, paysans nécessiteux ou fermiers ruinés établis à la campagne, ils publient dans les journaux des grandes villes des annonces du genre suivant : un respectable ménage prendrait un enfant à sa charge ; jolie maison bien située à proximité d’une des vallées les plus riantes du comté de,.. etc.; suit l’adresse pour le prix et les conditions, La formule varie à l’infini. Tantôt c’est une veuve dont le mari est à l’hôpital et qui cherche, dans la garde d’un nourrisson, un accroissement de ressources. D’autres fois, il s’agit d’un couple désespéré d’une prétendue stérilité et qui adopterait avec joie le dernier-né d’une famille trop nombreuse. Ces avis paraissent un peu partout dans la presse des régions du Nord et du Sud, depuis