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d’abord qu’à l’état d’impression littéraire ou de raisonnement analytique. Nous avons vu ce qui s’est passé dans le cerveau de M. Pézieux; il a probablement vu une femme écoutant sa voix répercutée par un écho et s’amusant à faire retentir cet écho. L’attitude de cette femme, la seule chose qui soit plastiquement traduisible, l’a frappé, et il l’a reproduite par les moyens propres à son art, mais, confondant l’occasion de sa création avec la création elle-même, il leur a donné le même nom, l’Écho enchanteur.

D’autres fois, c’est par une gestation d’intelligence plus curieuse encore que, d’une analyse compliquée d’un phénomène naturel, peut sortir une conception plastique dont le symbolisme, comme traduction directe du phénomène, reste très confus encore, mais qui devient une allégorie évidente et claire s’appliquant à d’autres phénomènes humains d’ordre passionnel ou moral. Chez les Grecs, durant la grande période, cette puissance d’anthropomorphisme semble avoir été spontanée et générale. Chez les modernes, elle est beaucoup plus rare. Nous la trouvons cette année dans le groupe d’un jeune homme que son arrangement habile et ses qualités expressives désignent tout de suite à l’attention du passant, même le moins cultivé, mais devant lequel se sent inquiet l’homme curieux qui, lisant le titre inscrit sur la plinthe, s’épuise à en saisir la justification dans le détail des figures. Le jeune homme s’appelle M. Larche. Il est déjà l’auteur d’une charmante figure, un jeune Jésus dont il nous explique très subtilement encore l’expression intelligente en l’appelant Jésus parmi les docteurs, quoique la figure soit isolée. Son joli groupe s’appelle la Prairie et le Ruisseau. Comment raconteriez-vous en plâtre ce que dit la prairie au ruisseau? M. Larche s’est fort bien tiré de ce problème. La prairie est une femme, encore jeune, mais d’une physionomie intelligente, affectueuse, un peu triste, qui s’efforce, par un geste de mère ou de grande sœur, de retenir auprès d’elle un jeune garçon, d’allure vive et inquiète, fort désireux de courir et de vagabonder ailleurs. Pourquoi la femme est-elle la prairie ? Parce qu’elle a quelques herbes dans les cheveux ? Pourquoi le gamin est-il le ruisseau? Parce qu’il a ses pieds trempant dans l’eau et qu’il froisse dans ses poings fermés quelques herbes volées à la prairie? Tout cela est bien puéril et serait enfantin si tout cela ne disparaissait pas dans la clarté expressive de la conception sculpturale. Pour le spectateur, dans le groupe de M. Larche, il n’y a plus ni ruisseau, ni prairie; il ne reste qu’un adolescent, avide de liberté, se dérobant aux baisers d’une amie, douce et sûre, dont l’affection pèse comme une chaîne à son ambition et à sa curiosité, et cette lutte est si bien exprimée par le mouvement et l’expression des