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deux figures, dans un langage sculptural, vif et ressenti, que tout le monde croit comprendre, et comprend, en effet, parce que la réalisation se trouve ici plus simple que l’intention, ce qui est le cas des belles œuvres d’art. M. Larche a été, l’an dernier, lauréat d’une bourse de voyage ; c’est, évidemment, un esprit ouvert et cultivé, libre et personnel, qui a déjà profité, mais en bon Français, des conseils de l’Italie et de la Grèce.

Les auteurs des autres groupes qui attirent l’attention ne s’embarrassent pas, il faut le dire, en des fantaisies si quintessenciées. Rien de plus facile à saisir que l’allégorie du Joug, par M. Pépin. C’est la vieille histoire d’Aristote chevauché par la courtisane, de l’homme fort dompté par la faible femme, le thème favori des imagiers et des conteurs du moyen âge. M. Pépin a voulu donner plus de force à l’éternelle comédie en faisant de l’homme apprivoisé une sorte de géant qui, coiffé, comme Hercule, d’une hure menaçante, s’accroupit sous la dompteuse, longue et mince. Celle-ci, à cheval sur les épaules de l’athlète, le mate et le mène, avec une branchette fleurie pour cravache. Cette grosse pièce est exécutée d’une main sûre par un sculpteur expérimenté et robuste qui semble fait pour s’attaquer aux grandes décorations monumentales. Rien de plus simple encore que les groupes classiques de MM. Mercié, RoutelHer, Holweck, d’Houdain, les groupes naturalistes de MM. Sinding, Theunissen, Stigell, etc. M. Mercié s’est reposé de ses puissantes créations en s’amusant à traiter une odelette anacréontique. Il s’agit d’un petit faune, qui a commis quelque polissonnerie et qu’une nymphe met En pénitence. La pénitence consiste à le priver de sa syrinx, dont l’enfant à genoux implore la restitution ; mais son institutrice s’obstine à ne pas la lui rendre et la cache derrière son dos. Le grand artiste a traité ce badinage avec l’aisance et la souplesse qu’il apporte en tout ce qu’il fait. Lorsque l’exécution du marbre sera achevée, ce sera un très agréable morceau. La Nymphe victorieuse, de M. Boutellier, enjambant le cadavre de l’insolent qu’elle a percé de ses traits, le Repos de Diane, de M. d’Houdain, la Vestale allant au supplice et le Vin, de M. Holweck, contiennent d’excellentes parties dans un style large et franc. M. Sinding est un Norvégien qui ne déteste pas Michel-Ange. Il a du goût pour les figures puissantes, assises et ramassées dans des attitudes passionnées, comme les géans qui replient et resserrent leurs membres contractés dans les écoinçons trop étroits pour eux de la Sixtine. Le groupe d’amans enlacés qu’il appelle un Homme et une Femme, le groupe de la Mère captive, qui, les mains liées derrière le dos, penche son sein sur la bouche haletante de son enfant gisant à terre, le montrent fort habile à